Prouver à son électorat que Nicolas Sarkozy est capable de prendre les "douloureuses" mesures qui s'imposent pour relever la France de son lent déclin ; envoyer un message aux marchés financiers, dont on suppose qu'ils menacent tout pays négligeant de réduire son déficit budgétaire.
Ces deux raisons en font une mesure de circonstance, adoptée dans l'urgence, sans concertation.
Un petit compte d'apothicaire suffit à comprendre que, pour cette raison, cette réforme risque de déplacer les problèmes, et donc de faire vivre encore le cycle sans fin de la réformes des retraites (on en est à la 5e depuis 15 ans, si mon décompte est correct).
Pour que cette réforme fonctionne, il faut que la pyramide des âges des taux d'emploi se décale de deux ans. Autrement dit, qu'il y ait, en 2018, autant de personnes de 62 ans qui travaillent par rapport aux personnes de 60 ans aujourd'hui, autant de personnes de 63 ans que les 61 ans d'aujourd'hui, etc.
Si ce n'est pas le cas, cette réforme est au choix une manœuvre cynique, ou un échec. En effet, cela reviendrait à réduire le déficit des caisses de retraites en diminuant les pensions : les travailleurs qui auraient pu prendre leur retraite à taux plein aujourd'hui, et qui ne le peuvent plus avec la réforme, verraient leur pension diminuer puisqu'ils seraient au chômage ou en inactivité forcée avant l'âge légal de départ à la retraite (d'où une décote). Il y aurait certes moins de pensions à verser, et donc moins de déficit, mais au prix d'une combinaison variable de : 1) une dégradation du sort des retraités 2) un report du problème du déficit des caisses de retraites à celui de l'UNEDIC, qui s'en inquiète d'ailleurs. Ce qui ne plairait guère aux marchés financiers, qui se moquent de savoir qui génèrent les déficits publics.
Examinons donc ce que cela signifie. Si l'on suit les prédictions de l'INSEE, il y aura approximativement 1,914 millions de personnes âgées de 60 à 62 ans en 2018 (je prend la donnée de 2020).
Le taux d'emploi des 55-59 ans est actuellement de 63%. Appliquons le à nos 60-62 ans de 2018, puisque telle est la condition du succès de la réforme : que la pyramide des taux d'emploi se décale de deux ans. Cela nous fait 1,23 millions d'actifs supplémentaires.
Il faut donc créer 1,23 millions d'emploi en plus d'ici 2018. Il y a actuellement 2, 615 millions de chômeurs en France. Si l'on ne parvient pas à créer ces emplois, cela signifie que le nombre de chômeur augmenterait de près de 50% (sans doute moins, bien sûr, un certain nombre d'entre eux se décourageant et ne s'inscrivant plus au Pôle Emploi).
Ce premier calcul d'apothicaire nous donne une mesure du défi, et permet d'expliquer les craintes de l'UNEDIC.
On peut préciser ce défi. Il y a 1, 23 millions d'emplois à créer environ, auxquels on peut ajouter approximativement 400 000 emplois pour retrouver un taux de chômage de 8% et stabiliser plus ou moins les caisses de l'UNEDIC. Cela fait 1,6 millions d'emplois, soit environ 6 % de plus qu'actuellement.
Si on prend le scénario le plus pessimiste du COR sur l'évolution de la productivité par tête du travail (+ 1,5 % par an), cela signifie qu'il faut que l'économie française ait un taux de croissance de 2,1 % chaque année en moyenne dans les 7 années qui nous séparent de début 2018. Si le scénario le plus optimiste du COR se confirme (+1,8% de hausse de la productivité du travail), il faudra 2,6% de croissance.
Or, la crise, qui a poussé à agir dans l'urgence, rend ce type de croissance totalement illusoire : à la crise va succéder probablement des années de croissance faible. En janvier 2010, l'OFCE établissait trois scénarios de croissance entre 2011 et 2018. Le noir anticipe 1,3% de croissance annuelle. Le rose, 2,1%.
Tout ceci est totalement approximatif, bien sûr. Mais cela donne une idée des ordres de grandeur auxquels nous allons faire face.
Une chose apparaît alors clairement : Nicolas Sarkozy va devoir vraiment aller chercher la croissance avec ses dents, très longues, il est vrai.
Une chose apparaît alors clairement : Nicolas Sarkozy va devoir vraiment aller chercher la croissance avec ses dents, très longues, il est vrai.
A défaut, bien sûr, d'avoir négocié une réforme avec le MEDEF pour imposer que les entreprises changent leurs stratégies d'embauche des plus âgés, qui rendent, actuellement, encore plus illusoires ces créations d'emplois de seniors. Et un étalement de la mise en oeuvre de la réforme réaliste, étant donné la capacité actuelle de l'économie à créer des emplois. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait tous les pays ayant adopté des réformes de ce type, et cela avant même la crise, comme le rappelle le COR (p.5).
On a le courage politique que l'on peut, il est vrai.
On a le courage politique que l'on peut, il est vrai.
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