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lundi 13 avril 2009

Les jeunes et la bulle immobilière

Une bulle immobilière est un jeu de dupe dont les plus jeunes ménages sont avant tout victimes.

La hausse des prix suscite l'illusion d'un enrichissement général, au moins chez les ménages propriétaires : leur patrimoine semble augmenter à proportion de la bulle. Mais cet enrichissement est un jeu de dupe : les ménages propriétaires sont victimes d'une forme d'illusion monétaire. Ils se sentent plus riches, oubliant que la hausse de leur bien s'inscrivant dans une hausse générale, ils n'ont en fait rien gagné. Ils doivent, en effet, dans tous les cas se loger, et s'ils vendent leur bien pour en obtenir la plus-value, ils perdront celle-ci aussitôt après, au moment du rachat d'un autre logement, dont le prix a tout autant augmenté.

Ne profitent de la bulle que les ménages qui ont investi dans l'immobilier, en achetant des biens en plus de leur résidence principale et d'une éventuelle résidence secondaire, et qui les revendent quand les prix sont au plus haut. Tous les autres ménages n'ont soi rien gagné, s'ils ne possèdent qu'un bien qu'ils habitent, soit perdu s'ils ne possèdent aucun bien ou qu'ils en ont fait l'acquisition au moment de la bulle.

En effet, ceux qui ont acheté au cours de la bulle ont dû payer bien plus, en termes réels, pour un même bien que ce qu'avaient payé les ménages déjà propriétaires avant la bulle. Et ceux qui ne possèdent aucun bien ont subi la hausse des loyers, qui accompagne la hausse des prix de l'immobilier, tout en étant plus faible que cette dernière. Aussi longtemps que la bulle n'a pas pleinement éclaté, ces ménages ont même doublement perdu, puisqu'ils ne peuvent souvent plus devenir propriétaires, même s'ils le souhaitent, les prix étant trop élevés. Et s'ils le deviennent, ils leur faut payer le prix du sommet spéculatif.

Or, ces deux types de ménages ont une caractéristique en commun : ils sont le plus souvent jeunes. C'est, en effet, pour l'essentiel entre 20 et 45 ans que l'on fait l'acquisition de son premier bien, et c'est donc dans cette période que l'on est également le plus souvent locataire.

Ainsi, on voit qu'en 4 ans seulement, entre 2002 et 2006, années durant lesquelles les prix ont augmenté de près de 80%, la part du revenu que doivent consacrer leur ménages en dépenses de logement a nettement augmenté pour les ménages de moins de 45 ans, alors qu'elle baissait légèrement pour les ménages de 45 à 60 ans.

Ainsi, tout se passe comme si, dans une bulle immobilière, les ménages les plus âgés trompaient les plus jeunes, les incitant à acheter plus cher des biens qu'ils ne possèdent pas encore ou à payer leur loyer plus cher, s'ils ne deviennent pas propriétaires. Une bulle immobilière est donc bien un jeu de dupe, dont les jeunes actifs sont les victimes et dont profitent les plus âgés, qui sont, pour l'essentiel, les seuls à compter dans leur rang des ménages possédant plusieurs biens.
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mardi 7 avril 2009

Quand la bulle éclate

Les bulles immobilières sont comme le monde selon T.S Eliot : elles ne s'achèvent pas par un bang, mais dans un long râle.

Dans l'immobilier, il n'y a pas de jeudi noir comme dans les marchés financiers : les prix ne chutent pas de 20% en un jour ou une semaine. L'ajustement est toujours extrêmement long, mais il a toujours lieu, même si les acteurs du secteur en nient l'existence, au début.

La raison en est simple : les biens immobiliers n'ont pas la liquidité des valeurs mobilières. On ne se débarrasse pas d'une maison comme d'une action. Il n'y a donc pas de ventes générées par un mouvement de panique dans l'immobilier. Qui plus est, les propriétaires, pour qui leur bien constitue souvent la plus grosse partie de leur patrimoine, refusent de vendre moins cher, surtout s'ils ont acheté en haut de la bulle. La perte peut être en effet telle qu'il ne l'accepte pas, préférant qu'elle demeure latente. Ainsi, le propriétaire choisit parfois de retirer son bien de la vente plutôt que de le céder au nouveau prix, ou il n'accepte que très lentement d'abaisser ses prétentions.

L'ajustement est donc long, et s'opère d'abord par les quantités : puisque les prix ne baissent pas, les acheteurs n'achètent pas, et les transactions s'effondrent. Progressivement, notamment parce que certains propriétaires sont contraints de vendre (déménagement, divorce, etc.), les prix baissent et les transactions reprennent : l'ajustement par les prix s'opère. Par contre, cet ajustement se poursuit après, parfois longtemps après, la reprise du nombre de transactions et des mises en chantier.

Nous ne sommes, en France, qu'au commencement de l'ajustement par les prix. Et celui-ci promet d'être long. La bulle immobilière a été en effet d'une ampleur considérable, proche de celle de la bulle américaine.
Entre 1997 et 2007, la hausse des prix a été de près de 120% : les prix ont plus que doublé, avec des augmentations annuelles ayant atteint 15% au cœur de la bulle. L'augmentation des prix a ainsi été inédite par son ampleur. Pourtant l'éclatement de la bulle est, pour l'instant, extrêmement lent.

Les prix ont, en effet, continué à augmenter jusqu'au premier trimestre 2008. Ils ne baissent que depuis le troisième trimestre 2008. L'ajustement par les quantités a par contre été violent, à proportion de l'absence d'ajustement par les prix : les ventes de logements anciens se sont effondrés de près de 17 % et celles de logements neufs de 40 % en 2008. Sur la même période, les prix ont baissé de moins de 3%.

Il semblerait, toutefois, que l'ajustement par les prix s'opère plus nettement. La Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) entrevoit une baisse des prix de 5 à 10% pour 2009. (L'article du Monde qui rapporte la nouvelle, intitulé "Les prix pourraient encore baisser de 10% en 2009" reflète du reste une certaine incompréhension du phénomène (faute de distance critique avec le discours des agents immobiliers ?) : il serait plus juste de titrer "Les prix ne baisseront que de 10% en 2009". La baisse ne fait, en effet, que commencer et elle promet d'être longue.)

On a une idée assez précise de l'importance de la baisse à venir à travers un indicateur extrêmement solide : le rapport entre le prix des logements et le revenu disponible des ménages. Ce ratio est une mesure de la contrainte budgétaire des ménages dans l'achat de leurs biens, contrainte qui joue un rôle fondamental dans l'acquisition des biens immobiliers et, par suite, dans la hausse possible de leur prix.

On voit que, une fois soldé les déséquilibres nés de l'après guerre (hyper inflation, mesures administratives de blocage des loyers), le rapport entre prix des logements et revenu s'est stabilisé à partir du milieu des années 1960 autour d'une bande étroite, identifiée par Jacques Friggit. Le ratio évolue ainsi dans un tunnel de 20%, centré autour de 95 (+10% au dessus, -10% en dessous).

En 2000, le ratio était, par construction, de 100. 7 ans plus tard, il atteignait 165. On voit par là l'ampleur de la bulle spéculative, son caractère totalement hors norme au regard de toutes les fluctuations des prix depuis 40 ans. On comprend également l'importance du crédit dans le développement de la bulle, qui a permis aux ménages de s'abstraire -un temps- de leur contrainte budgétaire.

Le ratio prix/revenu nous donne, par ailleurs, un indicateur de l'ampleur de la baisse des prix à venir. Si l'on fait l'hypothèse qu'il va retrouver sa valeur de longue période, l'ampleur de la baisse des prix est simple à calculer. Si l'on présume, par exemple, que l'ajustement s'opérera sur 6 ans, durée moyenne des baisses précédentes, et si l'on postule que le revenu va augmenter (en valeur) entre 2008 et 2014 à son rythme de 2001-2007 (soit +16%), on voit que les prix doivent baisser d'un peu plus de 35% depuis leur sommet de la mi-2008, soit une baisse annuelle moyenne de 7 % sur la période.

La baisse annuelle des prix est une fonction de deux variables : la durée de l'ajustement, la hausse des revenus (en valeur) sur la période. Plus la période sera longue, et plus les revenus augmenteront, moins la baisse annuelle des prix sera forte. A l'extrême, on peut même imaginer un scénario où les prix stagnent, jusqu'à ce que la hausse du revenu soit telle que le ratio prix/revenu revienne à 100. Dans ce cas, au rythme actuel de progression du revenu des ménages, il faudrait approximativement 20 ans. Ce scénario semble improbable, et je crois plutôt à celui d'une baisse sur une grosse demi-décennie, avec une diminution annuelle de 7%.

Toutefois, et c'est la dernière option, on peut envisager que le ratio ne retrouvera pas son niveau historique -ce qui signifierait que tout n'était pas irrationnel dans la bulle actuelle. On peut par exemple penser que l'augmentation de la durée de remboursement des crédits que l'on a constaté durant la bulle, et qui permet d'augmenter les sommes disponibles pour l'achat par rapport à son revenu annuel, se poursuivra. Ou qu'il existe véritablement une pénurie de logement en France, qui va maintenir les prix à un niveau élevé. Le défaut de ces arguments est qu'ils ont trop servi durant la bulle à en dénier l'existence.
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