jeudi 1 septembre 2011

Exclusif : Frédéric Lefebvre est favorable aux 35 heures

La déclaration du Secrétaire d'Etat est passée complètement inaperçue : le sarkoziste canal historique a fait sienne la mesure politique que honnit pourtant son camp. Lefebvre a déclaré qu'il fallait revenir aux 35 heures pour faire baisser le chômage en France !

En fait, pas vraiment, mais presque : il a plutôt affirmé que nous avions un taux de chômage élevé car  "Il faut  dire la réalité : parce qu'on a un taux de natalité beaucoup plus important que beaucoup d'autres pays". J'aime beaucoup le "il faut dire la réalité" de notre Secrétaire d'Etat.

Je l'aime d'autant plus que cela revient à faire des 35 heures une réalité tout aussi substantielle. En effet, l'affirmation du Secrétaire d'Etat se fonde sur la même "théorie" économique : celle qui voit le nombre d'emplois comme un gros gâteau dont la taille est intangible et qu'il est donc d'autant plus difficile -voire impossible- à partager qu'il y a de convives. Ce que nous dit le Secrétaire d'Etat est, en effet, que nous avons des chômeurs parce que le nombre de convives (d'actifs) augmente dans notre pays en raison des naissances nombreuses -alors qu'ailleurs, il stagne (un ailleurs qui se réduit à la seule Allemagne -décidément le seul point de comparaison dont disposent les hommes politiques de droite). Et comme le gâteau (le nombre d'emplois) reste le même, cela fait autant de chômeurs.

C'est très exactement un raisonnement de ce type qui a justifié, du moins pour les plus économiquement naïfs des socialistes, l'adoption des 35 heures, à la fin des années 1990. Car, au moins, les socialistes avaient la vertu d'aller au bout de leur raisonnement : si le problème est que le gâteau (le nombre d'emplois) est fixe, et que le nombre de convives augmente, alors il n'y a qu'une seule solution : diminuer la taille de la part de gâteau de chacun (baisser le nombre d'heures travaillées) pour que tous puissent manger (qu'il n'y ait plus de chômeurs) 1.

Au contraire, le gouvernement auquel appartient Frédéric Lefbvre a adopté tout une série de mesures qui, d'une part, augmentent le nombre de convives et qui, d'autre part, accroissent la part de gâteau de ceux qui ont la chance d'en avoir une. La réforme des retraites conduit, en effet, à ce que les plus de 60 ans ne partent pas à la retraite, augmentant d'autant le nombre d'actifs. Le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires (au delà des emplois bénéficiant de réduction de charges) conduit les actifs en emploi à travailler des heures qui auraient pu être effectuées par des chômeurs.

Et ceci est d'autant plus cruel qu'en effet, le Secrétaire d'Etat a raison à court terme : lors d'une crise de demande massive, comme celle que traverse notre économie, le nombre d'emploi ressemble à un gros gâteau qui n'augmente pas -la demande étant insuffisante pour inciter les entreprises à accroître leur production, et à embaucher pour cela.

Mais ce raisonnement ne vaut que dans des circonstances exceptionnelles et à court terme. Sur le long terme, le nombre d'emplois s'ajustent globalement au nombre d'actifs. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement : tout actif est par définition capable de travailler et, pour autant que le marché assume sa fonction coordinatrice, il n'y a aucun raison qu'il ne puisse échanger sa production, ou ses capacités productives, avec d'autres acteurs. Plus le nombre d'actifs grandit, plus la production s'accroît : c'est pour cela que le taux de croissance potentielle d'une économie ne dépend que de deux choses : ses gains de productivité et la croissance de sa population active. Le gâteau ne possède pas une taille intangible : il grossit avec le nombre de convives -pour la simple raison que chaque convive en produit sa part.

Et c'est bien ce qui s'est passé en France jusqu'à la crise de 1975. Le problème de la France est le fait que son économie n'a jamais été capable de récupérer, par la suite, durant les phases de croissance rapide, par des créations d'emplois plus importantes que celle de l'augmentation de la population active, les conséquences des périodes de croissance faible ou négative, qui entraînent une croissance du nombre d'emplois plus faible que la population -voire même des destruction d'emplois. Les créations d'emploi soutenues entre 1985-1990 et 1997-2001 n'ont pas compensé les périodes de destruction (1975 ; 1984-1985 ; 1991-1993) ou de faible croissance.

C'est cela qui caractérise en propre l'économie française (et, dans une moindre mesure, les économies européennes), notamment en comparaison avec les Etats-Unis, où ce phénomène ne s'est pas produit (l'économie américaine a même inséré des dizaines de millions de travailleurs immigrés sans difficulté).


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1. Ce qui n'interdisait pas de soutenir les 35 heures pour d'autres raisons (ce qui était mon cas) -à commencer par le fait qu'il est tout aussi légitime d'utiliser les gains de productivité d'une économie pour travailler moins que pour accroître le pouvoir d'achat, le but ultime de l'économie n'étant pas de faire travailler les individus, mais d'accroître la satisfaction qu'ils tirent des biens et services produits -ce qui peut passer par plus de temps libre.

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