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Sans finalité aucune et sans beaucoup de rationalité
Thirty years ago this month, Margaret Thatcher came to power. Although precipitated by local conditions, the Thatcher (or more broadly the Thatcher-Reagan) revolution became an instantly recognizable global brand for a set of ideas that inspired policies to free markets from government interference.La suite se trouve ici. Elle vaut la peine d'être lue.
Three decades later, the world is in a slump, and many people attribute the global crisis to these very ideas.
Indeed, even beyond the political left, the Anglo-American model of capitalism is deemed to have failed.
How can you fail to acknowledge that there’s huge slack capacity in the economy right now? And yes, we can expect fast growth if and when that capacity comes back into use.
La crise de 1929 offre un cas extrême de ce scénario. A partir de 1941, la reprise, rendue possible par les dépenses publiques liées à la guerre, a été accompagnée d'une croissance extrêmement forte : l'effort de guerre a été tel que, pour un temps, l'économie a même largement dépassé le trend de longue période. Puis, la guerre finie, l'économie s'est retrouvée sur la trajectoire de croissance de long terme qui existait préalablement à la crise de 1929.The problem is that those numbers start at the end of the recessions, and we do not know when the recession will end. In other words, if God came down and told us the exact date the current recession was going to end, my forecast subsequent to that date would be for higher than normal growth. But absent that divine intervention, there is always some chance the recession will linger (remember the Great Depression)Il y a des raisons plus fortes encore de ne pas partager cet optimisme. Le scénario à la Krugman est fondé sur l'idée que l'économie suit un trend de croissance, autour duquel l'économie fluctue. Mais, rien ne garantit que cela soit le cas.

Ce dynamisme économique fondé sur l'endettement est probablement définitivement brisé. Reste à savoir si les États-Unis trouveront un autre mode de régulation de leur économie, maintenant que la finance et la dette leur font défaut. A défaut, le rythme de croissance américain se rapprocherait de celui de la France, qui n'a pas pareillement joui des vertiges de l'endettement et de la finance. 
From a narrow U.S. perspective, these low long-term rates are puzzling; from a global perspective, they may be less so.Patrick Artus affirmait ainsi en 2007 que les banques centrales ont perdu le contrôle sur l'évolution de la masse monétaire au niveau mondial. Au milieu des années 2000, c'est la Chine qui en décidait (pour caricaturer).
3.Il faut également s'interroger sur la raison des faibles taux courts entre 2002 et 2005. Cela renvoie à la stratégie Greenspan : ne pas agir sur le marché quand il monte, puisqu'a priori le marché est rationnel -ou, en tout cas, personne ne peut prétendre détenir plus d'information que lui. Personne ne peut donc mieux juger que lui la pertinence de ses évolutions. Puis, sauver l'économie du désastre quand le marché s'effondre, par des taux très bas.En décidant d'acheter en masse les emprunts du Trésor, c'est-à-dire en choisissant de créer de la monnaie pour financer directement les déficits publics, la Réserve fédérale, la Banque d'Angleterre et la Banque du Japon - la BCE s'y refuse encore, mais pour combien de temps ? - sont "devenues asservies au budget de l'Etat".

On voit que, depuis septembre, la Fed a vendu plus de la moitié de ses obligations du Trésor. Elle n'a presque plus de T-Bill. Elle s'est remise à en acheter à partir de mars, avec l'annonce d'une nouvelle vague "d'assouplissement quantitatif". Mais la quantité d'obligations du Trésor que la Fed a achetée est très faible au regard de celle qu'elle a vendue depuis un an. Il est extrêmement clair que la Fed ne fait pas tourner sa planche à billet pour acheter des titres publics : depuis un an, elle en a vendu bien plus qu'elle n'en a acheté.Sur longue période, c’est le ralentissement des gains de productivité qui l’emporte, entraînant dans son sillage l’évolution des salaires.
Sur la période récente, la capacité d'autofinancement se contracte à nouveau, avec pour corollaire une baisse du taux d’autofinancement. Ces évolutions trouvent leur origine dans la forte augmentation de la valeur des fonds propres des entreprises et la croissance corrélative des dividendes versés.En clair : les entreprises payent tellement de dividendes, qu'elles n'ont plus assez de cash flow pour investir. Si elles veulent investir, il leur faut s'endetter beaucoup plus qu'auparavant. Pour le dire différemment, les actionnaires sont tellement gourmands qu'ils menacent la dynamique d'accumulation du capital. Pourtant le rapport ne dit rien du pourquoi d'une telle évolution. C'est là que le rapport est le plus faible : dans son absence presque complète de problématisation des mécanismes sous-jacents aux transformations qu'il constate.
Les banques et les banquiers sont aveugles de nature. Ils n'ont pas vu ce qui allait arriver. [...] Un banquier sensé n'est hélas point un banquier qui voit venir le danger et l'écarte, mais un banquier qui, lorsqu'il se ruine, le fait d'une manière orthodoxe et conventionnelle, en même temps que ses collègues, de façon à ce qu'on ne puisse rien lui reprocher. [...]
Les symptômes actuels indiquent que les banquiers se précipitent au suicide. À chaque pas, ils ont refusé d'appliquer un remède assez énergique. Et ils ont laissé les choses aller si loin qu'il est à présent difficile de trouver un remède quelconque. [...]
Cela fait, bien entendu, partie du métier de banquier que de sauver les apparences, et de professer à l'égard des conventions, un respect des plus humains. Ils sont devenus, à force de tenir ce rôle, les hommes les plus romantiques et les moins pratiques qu'on puisse rêver. Il est tellement essentiel pour eux que leur état soit à l'abri de toute critique qu'ils en arrivent eux-mêmes à faire abstraction de tout sens critique, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. En bons citoyens honnêtes qu'ils sont, ils ressentent de l'indignation pour les périls que court le malheureux monde dans lequel ils vivent, lorsque ces périls sont venus à maturité, mais ils ne les prévoient pas. Une conspiration des banquiers! L'idée est absurde! Si seulement cela pouvait exister ! S'ils doivent jamais être sauvés, je puis prédire que ce sera à leur corps défendant.
The credit crunch has destroyed faith in the free market ideology that has dominated Western economic thinking for a generation. But what can – and should – replace it?Les vrais croyant libéraux ont pourtant élaboré un récit alternatif, qui, dans son principe, se rapproche de celui des anciens Hébreux. Nous en sommes là, non pas parce que Dieu marché n'existe pas, mais parce qu'il nous a puni de n'avoir pas respecté ses commandements, et laissé le diable État agir à sa place : voilà la substance de leur récit.
La construction de ce récit est assez délicate : la crise actuelle est née d'une crise financière qui implique des acteurs financiers sur un marché dérégulé. Aucune trace de l'État dans tout cela. Du moins c'est ce que pense le mécréant. Il a tort : la crise des subprimes est d'origine politique. C'est l'État le coupable. Pour parvenir à un telle conclusion, les vrais croyants ont cherché désespérément tout ce qui pouvait, même lointainement, être rattaché à l'État, pour lui attribuer le blâme. Ils ont trouvé trois coupables, unis dans des analyses plus ou moins cohérentes :Le défi auquel nous sommes aujourd'hui confrontés, nous économistes libéraux, est de faire apparaître cette imposture [des explications habituelles] au grand jour. Nous devons développer et diffuser un autre récit de la crise qui puisse se décrire en slogans aussi simples aussi efficaces que ceux utilisés par nos adversaires. Ce défi est à la fois intellectuel et politique. Mais, plus que tout, il suppose que nous en ayons les moyens, notamment les moyens de communiquer et de faire le marketing de nos idées.
L'augmentation est considérable : la part de la V.A redistribuée sous formes de dividendes a été multipliée par 5 en 25 ans. Les dividendes représentaient ainsi, en 2007, 25% de la valeur ajoutée produite en France et 75% de l'excédent brut d'exploitation des entreprises. Cette augmentation vertigineuse doit, toutefois, être nuancée. Elle recouvre en partie la financiarisation croissante du lien entre les entreprises : les entreprises versent plus de dividendes, mais elles en reçoivent aussi davantage, notamment de la part de leurs filiales. Pour mesurer précisément la part de la valeur ajoutée produite en France qui est versée par les entreprises aux actionnaires individuels, et non à d'autres entreprises, il faudrait pouvoir soustraire aux dividendes versés par les entreprises françaises les dividendes reçus de la part d'autres entreprises françaises. Or, c'est une donnée dont on ne dispose pas : on ne connait que les dividendes qu'on reçus les entreprises françaises, sans que l'on sache si ces dividendes viennent ou non d'autres entreprises françaises. Si l'on fait néanmoins cette soustraction (qui donne les dividendes versés "nets" par les société non financières), on obtient ce graphique. Quoiqu'il permette de mieux cerner les ordres de grandeur en jeu, il n'a toutefois aucune valeur véritable, étant donné la difficulté que je viens de souligner.
Toutefois, une part plus importante encore de la dynamique des inégalités entre les ménages se joue ailleurs : dans les salaires. Aujourd'hui, la quasi totalité de la population active française est salariée. C'est la seconde raison pour laquelle l'analyse du partage de la valeur ajoutée entre "capital" et le "travail" fait écran : elle laisse croire que le monde du salariat forme un tout homogène, uniformément soumis aux pressions du "capital". Or, il n'en est rien : une partie du salariat est étroitement lié au "capital" : la direction même des plus grandes entreprises françaises est aujourd'hui occupée par des salariés.
On voit que le salaire plancher à partir duquel on appartient aux 10% les mieux payés augmente plus vite que le salaire médian. Mais ces données sont très inadéquates aux processus en cours : c'est une très petite minorité de salariés, bien plus étroite que les 10% les mieux payés, qui bénéficie de fortes augmentations de salaire. Pour comprendre les évolutions en cours, on doit faire appel au travail de Camille Landais, qui a étudié les évolutions salariales à partir des déclarations fiscales de revenu.
Ces débats sont, en fait, fondés sur une incompréhension de ce que mesure ce « partage de la valeur ajoutée ». Incompréhension tout d'abord de ce que veut dire « capital » dans ce contexte. Incompréhension surtout du monde dans lequel nous vivons. Dans notre monde, la dynamique des inégalités économiques ne se joue plus essentiellement entre capital et travail, mais au sein même du travail. Il y a longtemps que les ménages les plus riches ne sont plus composés que de capitalistes oisifs. Nous ne vivons plus dans le monde de Marx, où s'opposent prolétaires et capitalistes. Cela ne signifie pas que notre monde est plus juste pour autant, mais que la dynamique de ses injustices est d'une toute autre nature. Et que le partage de la valeur ajoutée est un bien mauvais indicateur de ces évolutions.
Mais tout d'abord revenons sur ce fameux partage : s'est-il modifié ? Si l'on prend les données les plus brutes de l'INSEE, voilà ce que l'on voit :

Le graphique semble étrange : la part des salaires augmente sur une longue période, même si elle a diminué légèrement depuis 1980. Or, dans le même temps, la part du capital (que mesure l'excédent brut d'exploitation) augmente aussi. La part du travail et celle du capital s'accroissent ensemble ! Comment une telle bizarrerie est-elle possible ? Parce qu'il n'y a pas que des entreprises (le capital) et des salariés (le travail) : il y a également des entrepreneurs individuels qui sont un peu des deux à la fois. Or, leur nombre diminue. Les parts du capital et du travail peuvent donc augmenter en même temps, en raison de la baisse de la part des indépendants dans le partage de la valeur ajoutée, corrélative de la baisse de leur nombre.
En raison de l'existence de ces indépendants, le calcul du partage de la valeur ajoutée est toujours fondée sur des conventions comptables, dont le but est de supprimer cet effet de salarisation croissante. Or, aucune de ces conventions n'est vraiment satisfaisante. La convention la plus commune consiste à faire comme si les indépendants se versaient des salaires fictifs égaux aux salaires moyens (voir ici, page 4, pour la décomposition comptable). Ce qui n'a à la vérité aucun sens, puisque justement ce ne sont pas des salariés. Si l'on ajoute la difficulté comptable que posent les sociétés financières, dont la valeur ajoutée est également mesurée à partir de définitions contestables (des précisions ici), on arrive non pas à une mesure de l'évolution de la répartition mais à un spectre, qui montre la difficulté de l'exercice. En fonction de la convention comptable adoptée, la baisse de la part du travail dans la valeur ajoutée entre 1972 et 1999 va, selon Philippe Askenazy, de 0,6 à 10 points de % !
Autant dire que l'exercice est presque vain, qu'il ne fournit en tout cas aucune mesure de ce que l'on veut vraiment savoir : la capital s'approprie-t-il plus de la valeur ajoutée ? Et si oui, précisément combien ?
Pour répondre à cette question, il est au final plus sage d'être modeste dans sa mesure, de supprimer tous ces problèmes comptables, en ne s'intéressant qu'aux sociétés non financières. Celles-ci produisent un peu plus de la moitié de la valeur ajoutée en France, et forment le coeur du rapport entre capital et travail dans la production économique. Elles offrent ainsi un excellent indicateur de l'évolution du partage de la valeur ajoutée, à défaut de pouvoir mesurer véritablement celui-ci.
Comme on le voit, il y a quelque malhonnêteté à se référer, comme le fait Besancenot, à la fin des années 1970 pour affirmer que le capital s'est approprié 10 points de % en plus de la valeur ajoutée (ce qui est le cas, ou presque, si on compare 1982 et 1990). C'est en effet oublier que 1982 marque la fin d'une période où le partage s'était déformé, mais dans l'autre sens, au profit du travail, qui récupère 6 points entre le premier choc pétrolier et 1982.
La croissance de l'endettement du secteur privé a été beaucoup plus soutenue que celle de l'État. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la dynamique a été infiniment plus forte. Aux États-Unis en seulement 6 ans, entre 2000 et 2006, l'endettement des ménages est passé de 67% à 97% du PIB, soit une augmentation de 44%. L'endettement des ménages était tel qu'un certain nombre d'entre eux ont fait faillite, entrainant avec eux l'économie mondiale. Telle est bien la substance de la crise actuelle : les ménages ont emprunté bien plus qu'ils ne pouvaient rembourser. De leur incapacité à rembourser leur dette est née la crise actuelle.We no longer live in a world in which central bank policies are confined to adjusting the short-term interest rate. Instead, by using their balance sheets, the Federal Reserve and other central banks are developing new tools to ease financial conditions and support economic growth.Qui plus est : la Fed, par l'importance de ses activités de prêteur en dernier ressort, a poussé ce rôle dans ses ultimes limites, le transformant ainsi. A mon sens, les choses suivantes se sont passées :
Au quotidien, la Fed fixe le taux d'intérêt par des opérations dites d'open market : elle crée de la monnaie et achète ainsi des obligations du Trésor (notamment les T-Bills). Ainsi, elle injecte de la monnaie dans l'économie, et fait baisser le taux d'intérêt. Elle se livre à l'opération inverse si elle veut faire augmenter le taux d'intérêt. L'essentiel de l'actif de la Fed est donc constitué d'obligations du Trésor. Ces obligations sont totalement sûres, l'État américain n'étant pas prêt de faire faillite : leur possession ne pose donc aucun risque. Par ailleurs, son actif n'augmente que très lentement, à mesure que la Fed fournit de plus en plus de monnaie à l'économie en fonction de son expansion.
On voit que la Fed a financé l'accroissement de son bilan de deux manières principales : grâce aux dépôts du Trésor (1), grâce aux réserves des acteurs financiers (2). Elle a très peu fait fonctionner la planche à billet, au sens littéral du terme.