La fin des 35 heures, c'est pour bientôt. Non pas la fin de la diminution du temps de travail : c'est une tendance de fond de toutes les économies développées. Mais la fin de la baisse du temps de travail plus importante en France qu'ailleurs dans le monde.
En effet, la période de mise en œuvre des 35 heures, 1998-2002, a correspondu dans toutes les économies développées à un moment de diminution sensible du temps de travail. En France, en raison des mesures du gouvernement Jospin, celle-ci a été plus forte, sans l'être nettement plus. Ainsi, en 2002, alors que le temps de travail effectif avait diminué de 2.5 % en moyenne dans les pays de l'OCDE par rapport à 1998, la baisse était de 6.5% en France. On voit que différence n'est pas négligeable mais aussi qu'elle n'est pas si grande que cela, au regard de l'ampleur du débat qu'elle a suscité, et des effets que l'on a pu lui prêter.
Mais, depuis 2003, avec les différentes mesures des gouvernements de droite, la France est un des rares pays développés où le temps de travail augmente, tandis qu'il continue de diminuer ailleurs. Ainsi, sur la période 1998-2006, notre baisse du temps de travail est la même qu'en Allemagne et si l'on prolonge les tendances actuelles, nous allons bientôt rejoindre le Royaume-Uni.
Les 35 heures sont donc bien finies et leur effet sur la baisse de la durée effective du travail n'aura été ni très grand (4 points de pourcentage d'écart avec la moyenne des pays de l'OCDE en 2003), ni durable.
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mardi 28 avril 2009
lundi 27 avril 2009
Le gros Etat et les inégalités
Stumbling and Mumbling revient dans deux posts récents sur la question du lien entre taille de l'État et inégalités sociales, au moment où les Républicains se livrent à des parodies de tea parties à la bostonienne, pour protester contre les augmentations d'impôt du gouvernement Obama.
Ces deux posts développent la même idée : un Big State (comprendre un État avec d'importants prélèvements obligatoires) n'est pas favorable à la réduction des inégalités sociales.
1) Parce que plus l'Etat est gros, plus tout le monde doit le financer, y compris les plus pauvres.
2) Parce que les services qu'offre un Big State profitent plus aux riches qu'aux pauvres, qui font de plus courtes études, vont moins souvent chez le médecins, meurent plus jeunes et bénéficient moins longtemps de leur retraite, etc.
Ces deux arguments sont importants, en particulier le second, qui permet de comprendre la limite de la redistribution verticale des richesses dans le cadre d'un État-Providence.
Mais ces arguments me semblent de peu de poids face à ça :
La corrélation est exceptionnellement forte : plus les prélèvements obligatoires sont élevés, plus faibles sont les inégalités de revenu. Corrélation n'est certes pas causalité, mais je n'ai aucun doute sur le sens de la causalité en œuvre dans le cas présent.
PS : Le coefficient de Gini est un indicateur qui mesure les inégalités : plus il est élevé, plus celles-ci sont fortes.
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Ces deux posts développent la même idée : un Big State (comprendre un État avec d'importants prélèvements obligatoires) n'est pas favorable à la réduction des inégalités sociales.
1) Parce que plus l'Etat est gros, plus tout le monde doit le financer, y compris les plus pauvres.
2) Parce que les services qu'offre un Big State profitent plus aux riches qu'aux pauvres, qui font de plus courtes études, vont moins souvent chez le médecins, meurent plus jeunes et bénéficient moins longtemps de leur retraite, etc.
Ces deux arguments sont importants, en particulier le second, qui permet de comprendre la limite de la redistribution verticale des richesses dans le cadre d'un État-Providence.
Mais ces arguments me semblent de peu de poids face à ça :
La corrélation est exceptionnellement forte : plus les prélèvements obligatoires sont élevés, plus faibles sont les inégalités de revenu. Corrélation n'est certes pas causalité, mais je n'ai aucun doute sur le sens de la causalité en œuvre dans le cas présent.
PS : Le coefficient de Gini est un indicateur qui mesure les inégalités : plus il est élevé, plus celles-ci sont fortes.
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dimanche 26 avril 2009
L'éducation coûte cher, essayez l'ignorance !
Depuis 1995, les dépenses intérieures d'éducation sont en baisse sensible en France, si on les rapporte au PIB.
A partir de la deuxième moitié des années 1980, le système éducatif connait une très forte massification. En 10 ans seulement, de 1985 à 1995, le pourcentage de bacheliers dans une génération double, passant de 29.4% à 62.7%. Ces bacheliers de la massification sont socialement moins proches du monde et de la culture scolaire, et ont besoin de plus d'encadrement. Ils poursuivent leurs études dans le supérieur dont les effectifs augmentent de 50% entre 1980 et 1990.
L'effort financier que consacre alors la France n'est pas négligeable. Les dépenses moyennes par élève progressent significativement plus vite que le PIB, en particulier dans le secondaire, en grande partie grâce à l'effort considérable que consentent les collectivités territoriales, à la suite des lois de décentralisation. Mais dès cette époque, le supérieur est largement oublié : les dépenses qui lui sont consacrées augmentent beaucoup plus faiblement que dans le secondaire, et surtout moins vite que le nombre d'étudiants. Les dépenses moyennes par étudiant baissent ainsi jusqu'en 1989, pour progresser ensuite lentement.
Dès la fin des années 1990, cette tendance de fond s'arrête. Le pourcentage de bacheliers dans une génération n'a pas progressé depuis 1995. Le nombre d'étudiants n'augmente presque plus également. Autrement dit, chose peu connue, la démocratisation scolaire a cessé, en France, depuis 15 ans. Depuis la même période, les efforts financiers consacrés à l'éducation stagnent.
Avec le retour de la droite au pouvoir, à la mi 2001, les dépenses moyennes par élève vont même baisser, pour un temps, dans le secondaire et dans le supérieur.
Rapportées au PIB, ces évolutions apparaissent plus clairement. La stagnation des dépenses en valeur absolue se traduit par une baisse marquée du ratio dépenses moyennes par élève/PIB depuis 1999 -baisse qui s'accélère avec le début du second quinquenat de Jacques Chirac.
Un phénomène essentiel apparaît surtout : le supérieur a été le grand oublié de la massification scolaire : les dépenses moyennes par étudiant par rapport au PIB n'ont pas cessé de baisser depuis 1995, à la différence du secondaire, où un effort véritable a été, un temps, consenti pour faire face aux besoins nés de la massification.
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A partir de la deuxième moitié des années 1980, le système éducatif connait une très forte massification. En 10 ans seulement, de 1985 à 1995, le pourcentage de bacheliers dans une génération double, passant de 29.4% à 62.7%. Ces bacheliers de la massification sont socialement moins proches du monde et de la culture scolaire, et ont besoin de plus d'encadrement. Ils poursuivent leurs études dans le supérieur dont les effectifs augmentent de 50% entre 1980 et 1990.
L'effort financier que consacre alors la France n'est pas négligeable. Les dépenses moyennes par élève progressent significativement plus vite que le PIB, en particulier dans le secondaire, en grande partie grâce à l'effort considérable que consentent les collectivités territoriales, à la suite des lois de décentralisation. Mais dès cette époque, le supérieur est largement oublié : les dépenses qui lui sont consacrées augmentent beaucoup plus faiblement que dans le secondaire, et surtout moins vite que le nombre d'étudiants. Les dépenses moyennes par étudiant baissent ainsi jusqu'en 1989, pour progresser ensuite lentement.
Dès la fin des années 1990, cette tendance de fond s'arrête. Le pourcentage de bacheliers dans une génération n'a pas progressé depuis 1995. Le nombre d'étudiants n'augmente presque plus également. Autrement dit, chose peu connue, la démocratisation scolaire a cessé, en France, depuis 15 ans. Depuis la même période, les efforts financiers consacrés à l'éducation stagnent.
Avec le retour de la droite au pouvoir, à la mi 2001, les dépenses moyennes par élève vont même baisser, pour un temps, dans le secondaire et dans le supérieur.
Rapportées au PIB, ces évolutions apparaissent plus clairement. La stagnation des dépenses en valeur absolue se traduit par une baisse marquée du ratio dépenses moyennes par élève/PIB depuis 1999 -baisse qui s'accélère avec le début du second quinquenat de Jacques Chirac.
Un phénomène essentiel apparaît surtout : le supérieur a été le grand oublié de la massification scolaire : les dépenses moyennes par étudiant par rapport au PIB n'ont pas cessé de baisser depuis 1995, à la différence du secondaire, où un effort véritable a été, un temps, consenti pour faire face aux besoins nés de la massification.
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jeudi 23 avril 2009
Le "je ne regrette rien" du Monde
Catherine Rollot fanfaronne dans Le Monde d'aujourd'hui :
Son boulgi-bouga fait de reprise inquestionnée des communiqués du ministère, agrémentés de quelques stéréotypes populistes, sous fond d'ignorance (volontaire ?) des plus élémentaires données du problème, de saisissantes erreurs factuelles et/ou de méthode serait donc un modèle de couverture journalistique, informée et indépendante.
Je crains de ne devoir refroidir l'autosatisfaction de Mme Rollot : son papier du jour est de la même farine que ses précédents, et il comporte tant de biais idéologiques et témoigne d'une si grande incompétence qu'il va me falloir y apporter quelques correctifs.
Son analyse se fonde sur l'habituelle psychologisation des universitaires et des chercheurs en grève : leur mouvement est l'expression d'un malaise et de craintes et leur état d'esprit du moment est l'amertume. Des gens dont le métier est de penser ne peuvent décidément pas s'opposer à une réforme pour des motifs essentiellement rationnels : ils sont bien trop émotifs pour cela.
Quant au gouvernement, comme de bien entendu, il a commis des maladresses qui semblent devoir expliquer l'essentiel de la "radicalisation" : son intention est juste, comme le projet, seule la manière est critiquable. Aucune opposition n'est donc véritablement rationnelle, fondée sur autre chose que des réactions psychologiques à des craintes, un malaise, ou des maladresses gouvernementales.Telle semble être l'analyse constante de Mme Rollot sur la question.
Catherine Rollot constate pourtant, presque étonnée :
Et bien, je vais, à travers l'analyse d'un seul paragraphe, m'efforcer de lui expliquer pourquoi son travail a été si violemment mis en cause : parce qu'il reflète tant d'incompétences au service d'un tel parti-pris, qu'elle devrait elle-même en avoir honte. Voici le paragraphe en question :
J'ai déjà tenté d'expliquer, à l'occasion d'un billet précédent, pourquoi cet argument était faux. Mais Mme Rollot ne semble pouvoir en faire son deuil : se non è vero è ben trovato, tant est qu'elle ne peut s'en passer. Elle nous propose ici de nouvelles preuves en sa faveur : peut être s'est-elle aperçu que les précédentes étaient nulles. Mais les nouvelles ne valent guère mieux que les anciennes. Elles cumulent erreur factuelle et erreur de méthode.
Commençons par l'erreur factuelle : il est gravement inexact d'écrire "qu'au final, en septembre, sept bacheliers sur dix vont s'asseoir sur [les] bancs [de l'université]". En 2007-2008, dernière année pour laquelle les données du ministère sont disponibles, seuls 35 % des bacheliers se sont inscrits à l'université. Plus précisément, 55% des bacheliers généraux, 16% des bacheliers technologiques et 5% des bacheliers professionnels se sont inscrits en fac, soit 35% des bacheliers de 2007, tous types de bac confondus.
Appliquons le principe de charité : peut être que Mme Rollot ne parle pas de l'ensemble des bacheliers, mais uniquement de ceux qui ont poursuivi des études dans le supérieur. Mais là encore, aucune trace de sa proportion de 1 pour 7 : 45 % des bacheliers qui ont poursuivi des études dans le supérieur l'ont fait en fac. Même dans le cas le plus favorable, celui des bacheliers généraux, on n'atteint que 56%. On se demande donc où Mme Rollot est allé chercher un pareil chiffre, si ce n'est dans son imagination.
Il est, du reste, vrai que ce chiffre, aussi imaginaire soit-il, a du moins pour avantage de mettre en valeur la proportion de 27.6% de lycéens optant pour l'université comme premier choix d'orientation. Si on se souvient que 35% des lycéens vont finalement en fac, et 45% de ceux qui vont dans le supérieur, le chiffre est, de fait, d'un coup moins saisissant.
Mais on atteint là à une deuxième erreur, de méthode, dont témoignait déjà son article précédent : avant d'attribuer une cause à un phénomène, il faut s'assurer d'avoir épuisé toutes les autres causes possibles, écrivions-nous déjà à son sujet. En pure perte, faut-il croire.
En l'occurrence, ce que Mme Rollot ne dit pas à ses lecteurs est que la procédure de vœux pour le supérieur des lycéens de l'île de France a été profondément modifiée cette année : la procédure dite RAVEL a été remplacée par la procédure Admission Post-Bac. Cette dernière, relativement complexe, vise à optimiser les flux, et est fondée sur le fait que le lycéen obtient nécessairement une inscription en fac, dans l'hypothèse où ses vœux sélectifs n'ont pas été retenus par les établissements de ses choix. Par contre, il n'obtiendra pas de vœux sélectifs s'il place comme premier vœux la fac. Pour le dire différemment, cette procédure a pour effet mécanique d'encourager les élèves à formuler d'abord des vœux sélectifs. Le chiffre de 27.6% n'a donc rien d'étonnant.
Plus encore : il ne prouve nullement ce qu'il vise à démontrer, à savoir que les lycéens fuient la fac en raison du mouvement de grève. Pour que ce chiffre prouve quelque chose, il faudrait en effet pouvoir le comparer avec ceux des années précédentes, pour voir s'il y a bien une désaffection résultant de la grève. Mais comme on vient de le noter, la procédure de vœux a changé : il est donc impossible de le faire. Catherine Rollot ne s'y essaye d'ailleurs même pas : ce qui ne l'empêche nullement d'utiliser ce chiffre comme une preuve définitive.
Cette difficulté méthodologique n'aurait, du reste, pas dû embarrasser Mme Rollot : on dispose, en effet, de données pour savoir si, oui ou non, les mouvements universitaires sont à l'origine de la baisse des effectifs en fac. Et ces données ruinent sa démonstration.
Ce graphique porte sur le taux d'inscription des bacheliers dans les différentes filières du supérieur depuis 1990. On voit très clairement que la proportion de bacheliers qui s'inscrivent à l'université est en baisse depuis très longtemps : depuis l'année universitaire 1995-1996, c'est à dire il y a 14 ans maintenant. Durant cette période, cette proportion a baissé de 14 points de pourcentage, passant de près de 50% à 35 %, ce qui est considérable. La baisse a été continue, à l'exception des années 2001-2005. Ce que Catherine Rollot propose à ses lecteurs comme un scoop (les bacheliers s'inscrivent moins en fac à cause de la grève) est, en fait, un mouvement de fond, très largement antérieur à cette grève, et à tous les mouvements qui ont pu agiter l'université en 2006 (CPE), 2008 (loi LRU) ou 2009.
Si les bacheliers témoignent d'une désaffection croissante pour l'université, cela ne renvoie nullement aux grèves qu'elle peut connaitre, mais cela a beaucoup à voir avec l'incroyable pauvreté de l'université française, en particulier dans le premier cycle, qui pousse les bachelier à chercher des filières qui leur offrent un encadrement du même type que celui qu'ils connaissent au lycée. Ainsi, la dépense par étudiant à l'université est 25% plus faible qu'au lycée. Elle est 45% plus faible qu'en classe préparatoire, 42% plus faible qu'en BTS, 15% plus faible qu'en IUT. Il en est ainsi pour une raison simple, que le ministère note lui même :
Les étudiants issus de la massification scolaire (+82% d'étudiants entre 1980 et 2000), qui n'ont pas la même capacité d'autonomie, cherchent, au moins pour débuter leurs études universitaires, à s'orienter vers des filières disposant du même type d'encadrement que le lycée et vont, en grande partie pour cette raison, de moins en moins en fac après le bac.
Par contre, ces étudiants retournent souvent à l'université, une fois le premier cycle franchi : un tiers des lauréats d'une licence obtenue en 3 ans par les bacheliers de 2002 étaient d'abord passés par un BTS ou un IUT. Bref, lorsque le taux d'encadrement s'améliore, les étudiants reviennent. Ainsi, si le nombre d'étudiants baisse en premier cycle universitaire depuis 1995, il a augmenté en second et troisième cycle (sauf depuis 2005, où il baisse comme l'ensemble des effectif du supérieur, notamment pour des raisons démographique). Le nombre d'étudiants en doctorat a même augmenté de près d'un tiers depuis 1995 : de fait, l'université continue d'offrir l'essentiel des filières de qualité à ce niveau.
Pour le dire différemment : lorsque l'université a les moyens d'offrir une offre de qualité, elle attire des étudiants. Une grande partie du drame de l'université d'aujourd'hui tient précisément dans l'absence d'efforts financiers qui auraient permis d'adapter les moyens de l'université, et en particulier le taux d'encadrement, aux besoins des nouvelles générations de bacheliers, produits de la massification scolaire. C'est là la cause principale de la désaffection des premiers cycles universitaires : les lycéens connaissent les conditions d'étude souvent indignes qui leur sont offertes en fac. Peut-être qu'un jour Mme Rollot l'apprendra également à ses lecteurs.
NB : dans ce billet, l'université ou la fac désigne l'ensemble des formations offertes par les universités françaises, sans prendre en compte les IUT (filière sélective).
Pour des raisons de continuité dans la série statistique, le découpage en cycles renvoie au découpage antérieur à la réforme LMD : le premier cycle correspond à l'ancien DEUG, le second à la troisième année de licence et à la maîtrise, le troisième au doctorat.
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"Le Monde a tenté chaque jour, en toute indépendance, aussi bien vis-à-vis du pouvoir politique que des pouvoirs intellectuels, d'informer au mieux ses lecteurs sur ce mouvement complexe, multiforme et durable."
Son boulgi-bouga fait de reprise inquestionnée des communiqués du ministère, agrémentés de quelques stéréotypes populistes, sous fond d'ignorance (volontaire ?) des plus élémentaires données du problème, de saisissantes erreurs factuelles et/ou de méthode serait donc un modèle de couverture journalistique, informée et indépendante.
Je crains de ne devoir refroidir l'autosatisfaction de Mme Rollot : son papier du jour est de la même farine que ses précédents, et il comporte tant de biais idéologiques et témoigne d'une si grande incompétence qu'il va me falloir y apporter quelques correctifs.
Son analyse se fonde sur l'habituelle psychologisation des universitaires et des chercheurs en grève : leur mouvement est l'expression d'un malaise et de craintes et leur état d'esprit du moment est l'amertume. Des gens dont le métier est de penser ne peuvent décidément pas s'opposer à une réforme pour des motifs essentiellement rationnels : ils sont bien trop émotifs pour cela.
Quant au gouvernement, comme de bien entendu, il a commis des maladresses qui semblent devoir expliquer l'essentiel de la "radicalisation" : son intention est juste, comme le projet, seule la manière est critiquable. Aucune opposition n'est donc véritablement rationnelle, fondée sur autre chose que des réactions psychologiques à des craintes, un malaise, ou des maladresses gouvernementales.Telle semble être l'analyse constante de Mme Rollot sur la question.
Catherine Rollot constate pourtant, presque étonnée :
Tous les acteurs qui ont approché cette crise ont pris des coups. Le Monde a été violemment mis en cause dans sa mission d'information par une partie du mouvement universitaire.
Et bien, je vais, à travers l'analyse d'un seul paragraphe, m'efforcer de lui expliquer pourquoi son travail a été si violemment mis en cause : parce qu'il reflète tant d'incompétences au service d'un tel parti-pris, qu'elle devrait elle-même en avoir honte. Voici le paragraphe en question :
On aura reconnu là son argument préféré, qu'elle ressert incessamment à ses lecteurs : le mouvement universitaire dessert ceux qui le mènent : il vide leurs universités.
En face [du côté des universitaires], les blessés se comptent aussi. L'image de l'université en a pâti. Le premier bilan des demandes d'inscription dans l'enseignement supérieur en Ile-de-France est mauvais ; seuls 27,6 % des lycéens franciliens ont placé l'université en premier choix. C'est très peu quand on sait qu'au final, en septembre, sept bacheliers sur dix vont s'asseoir sur ses bancs.
J'ai déjà tenté d'expliquer, à l'occasion d'un billet précédent, pourquoi cet argument était faux. Mais Mme Rollot ne semble pouvoir en faire son deuil : se non è vero è ben trovato, tant est qu'elle ne peut s'en passer. Elle nous propose ici de nouvelles preuves en sa faveur : peut être s'est-elle aperçu que les précédentes étaient nulles. Mais les nouvelles ne valent guère mieux que les anciennes. Elles cumulent erreur factuelle et erreur de méthode.
Commençons par l'erreur factuelle : il est gravement inexact d'écrire "qu'au final, en septembre, sept bacheliers sur dix vont s'asseoir sur [les] bancs [de l'université]". En 2007-2008, dernière année pour laquelle les données du ministère sont disponibles, seuls 35 % des bacheliers se sont inscrits à l'université. Plus précisément, 55% des bacheliers généraux, 16% des bacheliers technologiques et 5% des bacheliers professionnels se sont inscrits en fac, soit 35% des bacheliers de 2007, tous types de bac confondus.
Appliquons le principe de charité : peut être que Mme Rollot ne parle pas de l'ensemble des bacheliers, mais uniquement de ceux qui ont poursuivi des études dans le supérieur. Mais là encore, aucune trace de sa proportion de 1 pour 7 : 45 % des bacheliers qui ont poursuivi des études dans le supérieur l'ont fait en fac. Même dans le cas le plus favorable, celui des bacheliers généraux, on n'atteint que 56%. On se demande donc où Mme Rollot est allé chercher un pareil chiffre, si ce n'est dans son imagination.
Il est, du reste, vrai que ce chiffre, aussi imaginaire soit-il, a du moins pour avantage de mettre en valeur la proportion de 27.6% de lycéens optant pour l'université comme premier choix d'orientation. Si on se souvient que 35% des lycéens vont finalement en fac, et 45% de ceux qui vont dans le supérieur, le chiffre est, de fait, d'un coup moins saisissant.
Mais on atteint là à une deuxième erreur, de méthode, dont témoignait déjà son article précédent : avant d'attribuer une cause à un phénomène, il faut s'assurer d'avoir épuisé toutes les autres causes possibles, écrivions-nous déjà à son sujet. En pure perte, faut-il croire.
En l'occurrence, ce que Mme Rollot ne dit pas à ses lecteurs est que la procédure de vœux pour le supérieur des lycéens de l'île de France a été profondément modifiée cette année : la procédure dite RAVEL a été remplacée par la procédure Admission Post-Bac. Cette dernière, relativement complexe, vise à optimiser les flux, et est fondée sur le fait que le lycéen obtient nécessairement une inscription en fac, dans l'hypothèse où ses vœux sélectifs n'ont pas été retenus par les établissements de ses choix. Par contre, il n'obtiendra pas de vœux sélectifs s'il place comme premier vœux la fac. Pour le dire différemment, cette procédure a pour effet mécanique d'encourager les élèves à formuler d'abord des vœux sélectifs. Le chiffre de 27.6% n'a donc rien d'étonnant.
Plus encore : il ne prouve nullement ce qu'il vise à démontrer, à savoir que les lycéens fuient la fac en raison du mouvement de grève. Pour que ce chiffre prouve quelque chose, il faudrait en effet pouvoir le comparer avec ceux des années précédentes, pour voir s'il y a bien une désaffection résultant de la grève. Mais comme on vient de le noter, la procédure de vœux a changé : il est donc impossible de le faire. Catherine Rollot ne s'y essaye d'ailleurs même pas : ce qui ne l'empêche nullement d'utiliser ce chiffre comme une preuve définitive.
Cette difficulté méthodologique n'aurait, du reste, pas dû embarrasser Mme Rollot : on dispose, en effet, de données pour savoir si, oui ou non, les mouvements universitaires sont à l'origine de la baisse des effectifs en fac. Et ces données ruinent sa démonstration.
Ce graphique porte sur le taux d'inscription des bacheliers dans les différentes filières du supérieur depuis 1990. On voit très clairement que la proportion de bacheliers qui s'inscrivent à l'université est en baisse depuis très longtemps : depuis l'année universitaire 1995-1996, c'est à dire il y a 14 ans maintenant. Durant cette période, cette proportion a baissé de 14 points de pourcentage, passant de près de 50% à 35 %, ce qui est considérable. La baisse a été continue, à l'exception des années 2001-2005. Ce que Catherine Rollot propose à ses lecteurs comme un scoop (les bacheliers s'inscrivent moins en fac à cause de la grève) est, en fait, un mouvement de fond, très largement antérieur à cette grève, et à tous les mouvements qui ont pu agiter l'université en 2006 (CPE), 2008 (loi LRU) ou 2009.
Si les bacheliers témoignent d'une désaffection croissante pour l'université, cela ne renvoie nullement aux grèves qu'elle peut connaitre, mais cela a beaucoup à voir avec l'incroyable pauvreté de l'université française, en particulier dans le premier cycle, qui pousse les bachelier à chercher des filières qui leur offrent un encadrement du même type que celui qu'ils connaissent au lycée. Ainsi, la dépense par étudiant à l'université est 25% plus faible qu'au lycée. Elle est 45% plus faible qu'en classe préparatoire, 42% plus faible qu'en BTS, 15% plus faible qu'en IUT. Il en est ainsi pour une raison simple, que le ministère note lui même :
L'écart très important [...] provient en grande partie des différences de taux d’encadrement dans les universités (où une grande partie des cours, particulièrement au niveau de la licence, a lieu en amphithéâtre), et dans les établissements secondaires où sont implantées les classes de STS et de CPGE, qui bénéficient de taux d’encadrement du même ordre que celui des classes secondaires. (Repères et références statistiques 2008, p. 334)
Les étudiants issus de la massification scolaire (+82% d'étudiants entre 1980 et 2000), qui n'ont pas la même capacité d'autonomie, cherchent, au moins pour débuter leurs études universitaires, à s'orienter vers des filières disposant du même type d'encadrement que le lycée et vont, en grande partie pour cette raison, de moins en moins en fac après le bac.
Par contre, ces étudiants retournent souvent à l'université, une fois le premier cycle franchi : un tiers des lauréats d'une licence obtenue en 3 ans par les bacheliers de 2002 étaient d'abord passés par un BTS ou un IUT. Bref, lorsque le taux d'encadrement s'améliore, les étudiants reviennent. Ainsi, si le nombre d'étudiants baisse en premier cycle universitaire depuis 1995, il a augmenté en second et troisième cycle (sauf depuis 2005, où il baisse comme l'ensemble des effectif du supérieur, notamment pour des raisons démographique). Le nombre d'étudiants en doctorat a même augmenté de près d'un tiers depuis 1995 : de fait, l'université continue d'offrir l'essentiel des filières de qualité à ce niveau.
Pour le dire différemment : lorsque l'université a les moyens d'offrir une offre de qualité, elle attire des étudiants. Une grande partie du drame de l'université d'aujourd'hui tient précisément dans l'absence d'efforts financiers qui auraient permis d'adapter les moyens de l'université, et en particulier le taux d'encadrement, aux besoins des nouvelles générations de bacheliers, produits de la massification scolaire. C'est là la cause principale de la désaffection des premiers cycles universitaires : les lycéens connaissent les conditions d'étude souvent indignes qui leur sont offertes en fac. Peut-être qu'un jour Mme Rollot l'apprendra également à ses lecteurs.
NB : dans ce billet, l'université ou la fac désigne l'ensemble des formations offertes par les universités françaises, sans prendre en compte les IUT (filière sélective).
Pour des raisons de continuité dans la série statistique, le découpage en cycles renvoie au découpage antérieur à la réforme LMD : le premier cycle correspond à l'ancien DEUG, le second à la troisième année de licence et à la maîtrise, le troisième au doctorat.
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Libellés :
(mal)journalisme,
éducation
lundi 13 avril 2009
Les jeunes et la bulle immobilière
Une bulle immobilière est un jeu de dupe dont les plus jeunes ménages sont avant tout victimes.
La hausse des prix suscite l'illusion d'un enrichissement général, au moins chez les ménages propriétaires : leur patrimoine semble augmenter à proportion de la bulle. Mais cet enrichissement est un jeu de dupe : les ménages propriétaires sont victimes d'une forme d'illusion monétaire. Ils se sentent plus riches, oubliant que la hausse de leur bien s'inscrivant dans une hausse générale, ils n'ont en fait rien gagné. Ils doivent, en effet, dans tous les cas se loger, et s'ils vendent leur bien pour en obtenir la plus-value, ils perdront celle-ci aussitôt après, au moment du rachat d'un autre logement, dont le prix a tout autant augmenté.
Ne profitent de la bulle que les ménages qui ont investi dans l'immobilier, en achetant des biens en plus de leur résidence principale et d'une éventuelle résidence secondaire, et qui les revendent quand les prix sont au plus haut. Tous les autres ménages n'ont soi rien gagné, s'ils ne possèdent qu'un bien qu'ils habitent, soit perdu s'ils ne possèdent aucun bien ou qu'ils en ont fait l'acquisition au moment de la bulle.
En effet, ceux qui ont acheté au cours de la bulle ont dû payer bien plus, en termes réels, pour un même bien que ce qu'avaient payé les ménages déjà propriétaires avant la bulle. Et ceux qui ne possèdent aucun bien ont subi la hausse des loyers, qui accompagne la hausse des prix de l'immobilier, tout en étant plus faible que cette dernière. Aussi longtemps que la bulle n'a pas pleinement éclaté, ces ménages ont même doublement perdu, puisqu'ils ne peuvent souvent plus devenir propriétaires, même s'ils le souhaitent, les prix étant trop élevés. Et s'ils le deviennent, ils leur faut payer le prix du sommet spéculatif.
Or, ces deux types de ménages ont une caractéristique en commun : ils sont le plus souvent jeunes. C'est, en effet, pour l'essentiel entre 20 et 45 ans que l'on fait l'acquisition de son premier bien, et c'est donc dans cette période que l'on est également le plus souvent locataire.
Ainsi, on voit qu'en 4 ans seulement, entre 2002 et 2006, années durant lesquelles les prix ont augmenté de près de 80%, la part du revenu que doivent consacrer leur ménages en dépenses de logement a nettement augmenté pour les ménages de moins de 45 ans, alors qu'elle baissait légèrement pour les ménages de 45 à 60 ans.
Ainsi, tout se passe comme si, dans une bulle immobilière, les ménages les plus âgés trompaient les plus jeunes, les incitant à acheter plus cher des biens qu'ils ne possèdent pas encore ou à payer leur loyer plus cher, s'ils ne deviennent pas propriétaires. Une bulle immobilière est donc bien un jeu de dupe, dont les jeunes actifs sont les victimes et dont profitent les plus âgés, qui sont, pour l'essentiel, les seuls à compter dans leur rang des ménages possédant plusieurs biens.
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La hausse des prix suscite l'illusion d'un enrichissement général, au moins chez les ménages propriétaires : leur patrimoine semble augmenter à proportion de la bulle. Mais cet enrichissement est un jeu de dupe : les ménages propriétaires sont victimes d'une forme d'illusion monétaire. Ils se sentent plus riches, oubliant que la hausse de leur bien s'inscrivant dans une hausse générale, ils n'ont en fait rien gagné. Ils doivent, en effet, dans tous les cas se loger, et s'ils vendent leur bien pour en obtenir la plus-value, ils perdront celle-ci aussitôt après, au moment du rachat d'un autre logement, dont le prix a tout autant augmenté.
Ne profitent de la bulle que les ménages qui ont investi dans l'immobilier, en achetant des biens en plus de leur résidence principale et d'une éventuelle résidence secondaire, et qui les revendent quand les prix sont au plus haut. Tous les autres ménages n'ont soi rien gagné, s'ils ne possèdent qu'un bien qu'ils habitent, soit perdu s'ils ne possèdent aucun bien ou qu'ils en ont fait l'acquisition au moment de la bulle.
En effet, ceux qui ont acheté au cours de la bulle ont dû payer bien plus, en termes réels, pour un même bien que ce qu'avaient payé les ménages déjà propriétaires avant la bulle. Et ceux qui ne possèdent aucun bien ont subi la hausse des loyers, qui accompagne la hausse des prix de l'immobilier, tout en étant plus faible que cette dernière. Aussi longtemps que la bulle n'a pas pleinement éclaté, ces ménages ont même doublement perdu, puisqu'ils ne peuvent souvent plus devenir propriétaires, même s'ils le souhaitent, les prix étant trop élevés. Et s'ils le deviennent, ils leur faut payer le prix du sommet spéculatif.
Or, ces deux types de ménages ont une caractéristique en commun : ils sont le plus souvent jeunes. C'est, en effet, pour l'essentiel entre 20 et 45 ans que l'on fait l'acquisition de son premier bien, et c'est donc dans cette période que l'on est également le plus souvent locataire.
Ainsi, on voit qu'en 4 ans seulement, entre 2002 et 2006, années durant lesquelles les prix ont augmenté de près de 80%, la part du revenu que doivent consacrer leur ménages en dépenses de logement a nettement augmenté pour les ménages de moins de 45 ans, alors qu'elle baissait légèrement pour les ménages de 45 à 60 ans.
Ainsi, tout se passe comme si, dans une bulle immobilière, les ménages les plus âgés trompaient les plus jeunes, les incitant à acheter plus cher des biens qu'ils ne possèdent pas encore ou à payer leur loyer plus cher, s'ils ne deviennent pas propriétaires. Une bulle immobilière est donc bien un jeu de dupe, dont les jeunes actifs sont les victimes et dont profitent les plus âgés, qui sont, pour l'essentiel, les seuls à compter dans leur rang des ménages possédant plusieurs biens.
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vendredi 10 avril 2009
Mourir guéri
Il y a un peu plus d'un an, on pouvait lire dans le Monde un cri d'alarme :
Le Monde peut se rassurer : la France a enfin trouvé la voie qui la sortira d'une si fatale situation. Le déficit de la balance commerciale est, en effet, en brutale diminution.
Comme une bonne chose n'arrive jamais seule, les États-Unis nous ont précédé. Un miracle est sur le point d'y advenir : la suppression de leur déficit commercial, qui semblait être devenu une seconde nature.
Le secret de ces deux divines surprises ? La récession bien sûr. Rien de mieux qu'une bonne petite récession, et plus encore une grande, pour guérir un pays de son incapacité à générer des excédents commerciaux.
Le mécanisme ? Il est fort simple : il suffit d'avoir une récession plus forte chez soi que dans le reste du monde. Ainsi notre demande intérieure diminue plus fortement que la demande intérieure des autres pays du monde. Par suite, les importations, qui sont une composante de la demande des agents résidents en France, diminue plus fortement que les exportations, qui sont le résultat de la demande intérieure des autres pays du monde. En image, cela donne ça :
Les exportations diminuent : les autres pays du monde qui sont nos clients sont également touchés par la récession. Mais on voit aussi que les importations diminuent plus encore : très probablement parce que notre activité économique ralentit encore plus vite qu'ailleurs. Or, la balance commerciale n'est rien d'autre que la différence entre les exportations et les importations.
Ainsi, nous allons mourir guéris de cette maladie qui semblait incurable : le déficit commercial.
Soyons optimiste, toutefois. Peut-être allons-nous apprendre un peu d'économie, au-delà du mercantilisme de café du comptoir qui tient lieu d'analyse économique en France : un déficit commercial ne signifie a priori rien sur la santé d'une économie. Une économie peut ainsi être en pleine croissance, et avoir un déficit commercial : par exemple si elle croit plus vite que les autres pays du monde, et donc que ses importations augmentent plus vite que ses exportations, dépendantes de la croissance plus faible de ses partenaires. Et, au contraire, une économie peut être dans une des plus graves récessions de son histoire et résorber son déficit, voire même avoir un excédent, précisément parce qu'elle est en récession.
Par conséquent, sans plus ample examen, un excédent commercial ne dit rien, strictement rien, sur l'état d'une économie -y compris sur sa "compétitivité".
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Le déficit, sans précédent, du commerce extérieur de la France en 2007 est particulièrement préoccupant. Le solde négatif du commerce extérieur depuis quatre ans tire mécaniquement la croissance vers le bas. C'est dans les exportations que se trouve la principale source de cette croissance qui fait tant défaut à l'économie française. L'ampleur de ce déficit ne s'explique pas seulement par des difficultés d'ordre conjoncturel.Cet article, et les innombrables autres de la même teneur, avait notamment suscité cet excellent billet chez Econoclaste.
Le Monde peut se rassurer : la France a enfin trouvé la voie qui la sortira d'une si fatale situation. Le déficit de la balance commerciale est, en effet, en brutale diminution.
Comme une bonne chose n'arrive jamais seule, les États-Unis nous ont précédé. Un miracle est sur le point d'y advenir : la suppression de leur déficit commercial, qui semblait être devenu une seconde nature.
Le secret de ces deux divines surprises ? La récession bien sûr. Rien de mieux qu'une bonne petite récession, et plus encore une grande, pour guérir un pays de son incapacité à générer des excédents commerciaux.
Le mécanisme ? Il est fort simple : il suffit d'avoir une récession plus forte chez soi que dans le reste du monde. Ainsi notre demande intérieure diminue plus fortement que la demande intérieure des autres pays du monde. Par suite, les importations, qui sont une composante de la demande des agents résidents en France, diminue plus fortement que les exportations, qui sont le résultat de la demande intérieure des autres pays du monde. En image, cela donne ça :
Les exportations diminuent : les autres pays du monde qui sont nos clients sont également touchés par la récession. Mais on voit aussi que les importations diminuent plus encore : très probablement parce que notre activité économique ralentit encore plus vite qu'ailleurs. Or, la balance commerciale n'est rien d'autre que la différence entre les exportations et les importations.
Ainsi, nous allons mourir guéris de cette maladie qui semblait incurable : le déficit commercial.
Soyons optimiste, toutefois. Peut-être allons-nous apprendre un peu d'économie, au-delà du mercantilisme de café du comptoir qui tient lieu d'analyse économique en France : un déficit commercial ne signifie a priori rien sur la santé d'une économie. Une économie peut ainsi être en pleine croissance, et avoir un déficit commercial : par exemple si elle croit plus vite que les autres pays du monde, et donc que ses importations augmentent plus vite que ses exportations, dépendantes de la croissance plus faible de ses partenaires. Et, au contraire, une économie peut être dans une des plus graves récessions de son histoire et résorber son déficit, voire même avoir un excédent, précisément parce qu'elle est en récession.
Par conséquent, sans plus ample examen, un excédent commercial ne dit rien, strictement rien, sur l'état d'une économie -y compris sur sa "compétitivité".
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jeudi 9 avril 2009
Rémunération au mérite
C'est Ernest-Antoine Seillière qui l'affirme :
Il y a manifestement encore beaucoup à faire en la matière aux Etats-Unis :
Mais il est vrai que les patrons américains n'ont pas signé, comme les nôtres, la charte éthique du MEDEF. Ce qui fait toute une différence.
Via The Baseline Scenario.
NB : "compensation" = rémunération totale (qui inclue les stock options) de chaque dirigeant des 200 plus grandes entreprises américaines. Sur le graphique, l'unité de l'échelle des rémunérations est le million de dollars. "Return" = rendement boursier des actions de l'entreprise du dirigeant.
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"ce qui doit primer" dans les rémunérations des dirigeants "ce sont des critères de réussite".
"Il y a des abus", estime aussi M. Seillière, également président de l'organisation patronale européenne BusinessEurope . "Ce qui est choquant, c'est quand quelqu'un reste bien payé dans une entreprise qui va mal", poursuit-il, en ajoutant que "c'est pour ça qu'ont été conçues les rémunérations variables".
Il y a manifestement encore beaucoup à faire en la matière aux Etats-Unis :
Mais il est vrai que les patrons américains n'ont pas signé, comme les nôtres, la charte éthique du MEDEF. Ce qui fait toute une différence.
Via The Baseline Scenario.
NB : "compensation" = rémunération totale (qui inclue les stock options) de chaque dirigeant des 200 plus grandes entreprises américaines. Sur le graphique, l'unité de l'échelle des rémunérations est le million de dollars. "Return" = rendement boursier des actions de l'entreprise du dirigeant.
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mardi 7 avril 2009
Quand la bulle éclate
Les bulles immobilières sont comme le monde selon T.S Eliot : elles ne s'achèvent pas par un bang, mais dans un long râle.
Dans l'immobilier, il n'y a pas de jeudi noir comme dans les marchés financiers : les prix ne chutent pas de 20% en un jour ou une semaine. L'ajustement est toujours extrêmement long, mais il a toujours lieu, même si les acteurs du secteur en nient l'existence, au début.
La raison en est simple : les biens immobiliers n'ont pas la liquidité des valeurs mobilières. On ne se débarrasse pas d'une maison comme d'une action. Il n'y a donc pas de ventes générées par un mouvement de panique dans l'immobilier. Qui plus est, les propriétaires, pour qui leur bien constitue souvent la plus grosse partie de leur patrimoine, refusent de vendre moins cher, surtout s'ils ont acheté en haut de la bulle. La perte peut être en effet telle qu'il ne l'accepte pas, préférant qu'elle demeure latente. Ainsi, le propriétaire choisit parfois de retirer son bien de la vente plutôt que de le céder au nouveau prix, ou il n'accepte que très lentement d'abaisser ses prétentions.
L'ajustement est donc long, et s'opère d'abord par les quantités : puisque les prix ne baissent pas, les acheteurs n'achètent pas, et les transactions s'effondrent. Progressivement, notamment parce que certains propriétaires sont contraints de vendre (déménagement, divorce, etc.), les prix baissent et les transactions reprennent : l'ajustement par les prix s'opère. Par contre, cet ajustement se poursuit après, parfois longtemps après, la reprise du nombre de transactions et des mises en chantier.
Nous ne sommes, en France, qu'au commencement de l'ajustement par les prix. Et celui-ci promet d'être long. La bulle immobilière a été en effet d'une ampleur considérable, proche de celle de la bulle américaine.
Entre 1997 et 2007, la hausse des prix a été de près de 120% : les prix ont plus que doublé, avec des augmentations annuelles ayant atteint 15% au cœur de la bulle. L'augmentation des prix a ainsi été inédite par son ampleur. Pourtant l'éclatement de la bulle est, pour l'instant, extrêmement lent.
Les prix ont, en effet, continué à augmenter jusqu'au premier trimestre 2008. Ils ne baissent que depuis le troisième trimestre 2008. L'ajustement par les quantités a par contre été violent, à proportion de l'absence d'ajustement par les prix : les ventes de logements anciens se sont effondrés de près de 17 % et celles de logements neufs de 40 % en 2008. Sur la même période, les prix ont baissé de moins de 3%.
Il semblerait, toutefois, que l'ajustement par les prix s'opère plus nettement. La Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) entrevoit une baisse des prix de 5 à 10% pour 2009. (L'article du Monde qui rapporte la nouvelle, intitulé "Les prix pourraient encore baisser de 10% en 2009" reflète du reste une certaine incompréhension du phénomène (faute de distance critique avec le discours des agents immobiliers ?) : il serait plus juste de titrer "Les prix ne baisseront que de 10% en 2009". La baisse ne fait, en effet, que commencer et elle promet d'être longue.)
On a une idée assez précise de l'importance de la baisse à venir à travers un indicateur extrêmement solide : le rapport entre le prix des logements et le revenu disponible des ménages. Ce ratio est une mesure de la contrainte budgétaire des ménages dans l'achat de leurs biens, contrainte qui joue un rôle fondamental dans l'acquisition des biens immobiliers et, par suite, dans la hausse possible de leur prix.
On voit que, une fois soldé les déséquilibres nés de l'après guerre (hyper inflation, mesures administratives de blocage des loyers), le rapport entre prix des logements et revenu s'est stabilisé à partir du milieu des années 1960 autour d'une bande étroite, identifiée par Jacques Friggit. Le ratio évolue ainsi dans un tunnel de 20%, centré autour de 95 (+10% au dessus, -10% en dessous).
En 2000, le ratio était, par construction, de 100. 7 ans plus tard, il atteignait 165. On voit par là l'ampleur de la bulle spéculative, son caractère totalement hors norme au regard de toutes les fluctuations des prix depuis 40 ans. On comprend également l'importance du crédit dans le développement de la bulle, qui a permis aux ménages de s'abstraire -un temps- de leur contrainte budgétaire.
Le ratio prix/revenu nous donne, par ailleurs, un indicateur de l'ampleur de la baisse des prix à venir. Si l'on fait l'hypothèse qu'il va retrouver sa valeur de longue période, l'ampleur de la baisse des prix est simple à calculer. Si l'on présume, par exemple, que l'ajustement s'opérera sur 6 ans, durée moyenne des baisses précédentes, et si l'on postule que le revenu va augmenter (en valeur) entre 2008 et 2014 à son rythme de 2001-2007 (soit +16%), on voit que les prix doivent baisser d'un peu plus de 35% depuis leur sommet de la mi-2008, soit une baisse annuelle moyenne de 7 % sur la période.
La baisse annuelle des prix est une fonction de deux variables : la durée de l'ajustement, la hausse des revenus (en valeur) sur la période. Plus la période sera longue, et plus les revenus augmenteront, moins la baisse annuelle des prix sera forte. A l'extrême, on peut même imaginer un scénario où les prix stagnent, jusqu'à ce que la hausse du revenu soit telle que le ratio prix/revenu revienne à 100. Dans ce cas, au rythme actuel de progression du revenu des ménages, il faudrait approximativement 20 ans. Ce scénario semble improbable, et je crois plutôt à celui d'une baisse sur une grosse demi-décennie, avec une diminution annuelle de 7%.
Toutefois, et c'est la dernière option, on peut envisager que le ratio ne retrouvera pas son niveau historique -ce qui signifierait que tout n'était pas irrationnel dans la bulle actuelle. On peut par exemple penser que l'augmentation de la durée de remboursement des crédits que l'on a constaté durant la bulle, et qui permet d'augmenter les sommes disponibles pour l'achat par rapport à son revenu annuel, se poursuivra. Ou qu'il existe véritablement une pénurie de logement en France, qui va maintenir les prix à un niveau élevé. Le défaut de ces arguments est qu'ils ont trop servi durant la bulle à en dénier l'existence.
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Dans l'immobilier, il n'y a pas de jeudi noir comme dans les marchés financiers : les prix ne chutent pas de 20% en un jour ou une semaine. L'ajustement est toujours extrêmement long, mais il a toujours lieu, même si les acteurs du secteur en nient l'existence, au début.
La raison en est simple : les biens immobiliers n'ont pas la liquidité des valeurs mobilières. On ne se débarrasse pas d'une maison comme d'une action. Il n'y a donc pas de ventes générées par un mouvement de panique dans l'immobilier. Qui plus est, les propriétaires, pour qui leur bien constitue souvent la plus grosse partie de leur patrimoine, refusent de vendre moins cher, surtout s'ils ont acheté en haut de la bulle. La perte peut être en effet telle qu'il ne l'accepte pas, préférant qu'elle demeure latente. Ainsi, le propriétaire choisit parfois de retirer son bien de la vente plutôt que de le céder au nouveau prix, ou il n'accepte que très lentement d'abaisser ses prétentions.
L'ajustement est donc long, et s'opère d'abord par les quantités : puisque les prix ne baissent pas, les acheteurs n'achètent pas, et les transactions s'effondrent. Progressivement, notamment parce que certains propriétaires sont contraints de vendre (déménagement, divorce, etc.), les prix baissent et les transactions reprennent : l'ajustement par les prix s'opère. Par contre, cet ajustement se poursuit après, parfois longtemps après, la reprise du nombre de transactions et des mises en chantier.
Nous ne sommes, en France, qu'au commencement de l'ajustement par les prix. Et celui-ci promet d'être long. La bulle immobilière a été en effet d'une ampleur considérable, proche de celle de la bulle américaine.
Entre 1997 et 2007, la hausse des prix a été de près de 120% : les prix ont plus que doublé, avec des augmentations annuelles ayant atteint 15% au cœur de la bulle. L'augmentation des prix a ainsi été inédite par son ampleur. Pourtant l'éclatement de la bulle est, pour l'instant, extrêmement lent.
Les prix ont, en effet, continué à augmenter jusqu'au premier trimestre 2008. Ils ne baissent que depuis le troisième trimestre 2008. L'ajustement par les quantités a par contre été violent, à proportion de l'absence d'ajustement par les prix : les ventes de logements anciens se sont effondrés de près de 17 % et celles de logements neufs de 40 % en 2008. Sur la même période, les prix ont baissé de moins de 3%.
Il semblerait, toutefois, que l'ajustement par les prix s'opère plus nettement. La Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) entrevoit une baisse des prix de 5 à 10% pour 2009. (L'article du Monde qui rapporte la nouvelle, intitulé "Les prix pourraient encore baisser de 10% en 2009" reflète du reste une certaine incompréhension du phénomène (faute de distance critique avec le discours des agents immobiliers ?) : il serait plus juste de titrer "Les prix ne baisseront que de 10% en 2009". La baisse ne fait, en effet, que commencer et elle promet d'être longue.)
On a une idée assez précise de l'importance de la baisse à venir à travers un indicateur extrêmement solide : le rapport entre le prix des logements et le revenu disponible des ménages. Ce ratio est une mesure de la contrainte budgétaire des ménages dans l'achat de leurs biens, contrainte qui joue un rôle fondamental dans l'acquisition des biens immobiliers et, par suite, dans la hausse possible de leur prix.
On voit que, une fois soldé les déséquilibres nés de l'après guerre (hyper inflation, mesures administratives de blocage des loyers), le rapport entre prix des logements et revenu s'est stabilisé à partir du milieu des années 1960 autour d'une bande étroite, identifiée par Jacques Friggit. Le ratio évolue ainsi dans un tunnel de 20%, centré autour de 95 (+10% au dessus, -10% en dessous).
En 2000, le ratio était, par construction, de 100. 7 ans plus tard, il atteignait 165. On voit par là l'ampleur de la bulle spéculative, son caractère totalement hors norme au regard de toutes les fluctuations des prix depuis 40 ans. On comprend également l'importance du crédit dans le développement de la bulle, qui a permis aux ménages de s'abstraire -un temps- de leur contrainte budgétaire.
Le ratio prix/revenu nous donne, par ailleurs, un indicateur de l'ampleur de la baisse des prix à venir. Si l'on fait l'hypothèse qu'il va retrouver sa valeur de longue période, l'ampleur de la baisse des prix est simple à calculer. Si l'on présume, par exemple, que l'ajustement s'opérera sur 6 ans, durée moyenne des baisses précédentes, et si l'on postule que le revenu va augmenter (en valeur) entre 2008 et 2014 à son rythme de 2001-2007 (soit +16%), on voit que les prix doivent baisser d'un peu plus de 35% depuis leur sommet de la mi-2008, soit une baisse annuelle moyenne de 7 % sur la période.
La baisse annuelle des prix est une fonction de deux variables : la durée de l'ajustement, la hausse des revenus (en valeur) sur la période. Plus la période sera longue, et plus les revenus augmenteront, moins la baisse annuelle des prix sera forte. A l'extrême, on peut même imaginer un scénario où les prix stagnent, jusqu'à ce que la hausse du revenu soit telle que le ratio prix/revenu revienne à 100. Dans ce cas, au rythme actuel de progression du revenu des ménages, il faudrait approximativement 20 ans. Ce scénario semble improbable, et je crois plutôt à celui d'une baisse sur une grosse demi-décennie, avec une diminution annuelle de 7%.
Toutefois, et c'est la dernière option, on peut envisager que le ratio ne retrouvera pas son niveau historique -ce qui signifierait que tout n'était pas irrationnel dans la bulle actuelle. On peut par exemple penser que l'augmentation de la durée de remboursement des crédits que l'on a constaté durant la bulle, et qui permet d'augmenter les sommes disponibles pour l'achat par rapport à son revenu annuel, se poursuivra. Ou qu'il existe véritablement une pénurie de logement en France, qui va maintenir les prix à un niveau élevé. Le défaut de ces arguments est qu'ils ont trop servi durant la bulle à en dénier l'existence.
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lundi 6 avril 2009
La maladie algérienne
Vendredi, Bouteflika va faire semblant d'être candidat à une élection démocratique à laquelle les algériens feront semblant de participer et il sera élu pour un troisième mandat. Il en va ainsi depuis 47 ans en Algérie, demi siècle au cours duquel le pays a été dirigé très exactement par le même groupe d'hommes, comme dans une forme collective de dictature à la cubaine. Demi siècle marqué par une guerre civile qui a fait 150 000 morts, mais également par un échec économique d'une ampleur vertigineuse au regard des richesses naturelles du pays. Échec économique tel qu'il mériterait de porter le nom de "maladie algérienne".
Les économistes parlent de maladie hollandaise pour décrire une forme possible de malédiction des matières premières : un pays qui se met à exploiter une ressource naturelle voit sa richesse non pas augmenter mais diminuer en raison de la désindustrialisation que provoque cette exploitation. Dans le cas, historique, des Pays-Bas, la cause en était l'augmentation du taux de change réel de la monnaie, provoquée par les exportations de gaz, qui avait fortement atteint la compétitivité prix de l'industrie manufacturière.
L'Algérie est atteinte d'une forme extrême de cette maladie. Ici, le taux de change ne joue aucun rôle (il s'est même déprécié depuis 10 ans) : s'y substitue un mécanisme de double rente, qu'engendre la détention par l'Algérie de ressources en hydrocarbures qui font d'elle le 4ème exportateur mondial de gaz.
En apparence le bilan des 10 années au pouvoir de Bouteflika est satisfaisant, avec un taux de croissance du PIB de près de 4% sur la période.
Dans le même temps, le taux de chômage est passé de 30% de la population à 12%, la dette externe a été ramenée à moins de 4% du PIB, et de très importantes réserves de change ont été accumulées.
Mais cette décennie miraculeuse n'est, pour l'essentiel, liée qu'à une seule cause : la flambée des cours des hydro-carbures. Rien n'a fondamentalement changé : les cycles de l'économie algérienne sont, depuis l'indépendance, le reflet des cycles du cours des hydro-carbures.
Le pays connait ainsi une forte croissance aux début des années 1980 à la suite du second choc pétrolier, puis une stagnation à partir de 1986, en raison du contre choc. La croissance ne repart fortement qu'à partir de 1998, tout comme le cours du gaz. Ainsi, entre 1980 et 2008, le taux de croissance annuel n'est en moyenne que de 2,7 %, ce qui est peu pour un pays en rattrapage, avec une forte croissance démographique. Qui plus est, les fluctuations autour du trend de croissance de longue période sont importantes, à la mesure des variations des cours des hydrocarbures. Le Maroc, pays voisin et comparable par la taille et la population, presque dépourvu de ressources naturelles (à part du phosphate), a obtenu un taux de croissance supérieur d'un point (3,7% en moyenne par an), avec beaucoup moins de fluctuations autours du trend.
La performance devient catastrophique si on s'intéresse au PIB par habitant, en raison de la très forte croissance démographique.
La nomenklatura du régime, dont l'armée et en particulier la sécurité militaire constitue le cœur, utilise la rente du pétrole comme un moyen de domestication des populations. Depuis l'indépendance, elle s'en approprie une partie substantielle, et utilise le reste pour pratiquer le clientélisme à l'échelle d'une nation, selon une logique économique bien connue. Cette politique de distribution clientéliste de la rente a pris en particulier la forme de la création d'emplois publics sans finalité productive véritable. D'où l'hypertrophie du secteur public algérien, et en particulier de l'administration, où travaille un tiers de la population active.
Cette politique de redistribution a été complétée par une mise sous contrôle d'une grande partie de l'économie algérienne sous la forme de monopoles contrôlés par l'État, politique historiquement légitimée par la théorie marxiste du développement par substitution aux importations. Monopole dont le but n'a jamais été la recherche de l'efficacité économique, mais le contrôle des populations à travers l'octroi d'emplois et l'impossibilité de la constitution d'une élite concurrente issue du monde économique.
Le résultat de cette politique est l'absence d'une véritable économie productive. L'économie algérienne produit essentiellement des hydro-carbures, ou plutôt les extrait, les vend au reste du monde et achète avec le produit de cette vente ce qu'elle ne produit pas ou plus. Ainsi les hydrocarbures représentent près de 50% du PIB et la quasi totalité des exportations (96%), tandis que la production industrielle hors hydrocarbure est presque inexistante (5% du PIB). Par comparaison, près de 20% du PIB du Maroc provient de l'industrie manufacturière, qui ne cesse de se développer. La maladie hollandaise s'aggrave avec le temps : les hydrocarbures représentaient 30 % du PIB et l'industrie 11% à la fin des années 80. Par ailleurs, même si les cours du pétrole sont au plus haut, le taux de couverture des importations n'a pas cessé de baisser dans les années 2000, tandis que les importations augmentaient de 200%. Tout se passe comme si la flambée des cours du pétrole avait provoqué une accélération de la maladie hollandaise, poussant encore plus l'économie algérienne à ne rien produire, pour acheter à l'étranger.
Cette très forte hausse des importations a été en particulier marquée par un boom des importations de voiture. L'Algérie a aujourd'hui le premier parc automobile du Maghreb, sans qu'aucune voiture n'y soit fabriquée. Pierre Barrot ajoute même que Renault qui voulait implanter une usine dans la région après avoir envisagé l'Algérie a choisi le Maroc (Tanger).
On touche là à la deuxième rente, qui aggrave la première et rend difficile toute évolution véritable vers une économie productive : la rente des importations. Le secteur des importations est en effet la deuxième grande source de profit en Algérie, lorsque l'on fait partie des élites dirigeantes. Pour un membre de ces élites, deux grands flux monétaires sont en effet appropriables : ceux que génère la vente du gaz, ceux que génère l'achat à l'étranger de ce qui n'est pas produit sur place. Le second flux est, comme on l'a vu, la conséquence du premier. Mais il a ses déterminismes propres : il est à l'origine de tels profits que toutes les importations particulièrement rentables sont monopolisées par un petit nombre de personnes liées au régime. Le trabendo est le résultat de ce monopole. Le lobby des importateurs a tout intérêt à ce que la maladie hollandaise soit la plus forte possible : c'est elle qui fait sa richesse. Il use ainsi de ses moyens d'influence pour décourager le développement d'activité productive locale. C'est cette seconde rente qui forme toute la spécificité de la "maladie algérienne".
On voit ainsi que dans l'économie algérienne les mécanismes de la rente sont indissolublement économiques et politiques : la rente pétrolière fournit au pouvoir le moyen de sa légitimité. Il n'a donc aucun intérêt à sa disparition. La rente des importations est, d'autre part, impossible sans l'appui politique dont dispose le lobby des importateurs. Aucun acteur étatique ou lié à l'élite étatique n'a donc d'incitation à entreprendre les mesures qui pourraient mettre un terme à la maladie algérienne, en élevant la capacité productive de l'économie (investissement dans l'éducation, réforme du secteur bancaire incapable de financer l'économie, etc.)
Les cycles politiques en Algérie sont donc étroitement liés aux cycles économiques, eux mêmes dépendants des cours du pétrole. La stagnation du revenu par tête dans les années 1980 a conduit aux émeutes de 1988. De la même façon, la guerre civile a débuté sous fond de stagnation du revenu par habitant, et sa fin relative coïncide avec la très forte hausse de ce dernier. Il en est ainsi pour une raison simple : la légitimité du régime est directement proportionnée aux fluctuations du revenu national, puisque celui-ci transite pour une large part à travers les mécanismes politiques de redistribution des richesses. Le pouvoir politique a ainsi trouvé dans le boom pétrolier une ressource inespérée pour solder les années de guerre civile et favoriser la politique de réconciliation nationale (pardon des membres de la guérilla islamiste).
Mais le boom pétrolier est désormais fini, au moins temporairement. La répression des populations rétives sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamiste n'a plus la même légitimité internationale. Le chemin de Bouteflika risque donc d'être fort étroit pour son troisième mandat : les élites militaires dont il est la façade ne savent en effet faire que deux choses : acheter le peuple à coup de pétro dinars et lui taper dessus si cela ne suffit pas.
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Les économistes parlent de maladie hollandaise pour décrire une forme possible de malédiction des matières premières : un pays qui se met à exploiter une ressource naturelle voit sa richesse non pas augmenter mais diminuer en raison de la désindustrialisation que provoque cette exploitation. Dans le cas, historique, des Pays-Bas, la cause en était l'augmentation du taux de change réel de la monnaie, provoquée par les exportations de gaz, qui avait fortement atteint la compétitivité prix de l'industrie manufacturière.
L'Algérie est atteinte d'une forme extrême de cette maladie. Ici, le taux de change ne joue aucun rôle (il s'est même déprécié depuis 10 ans) : s'y substitue un mécanisme de double rente, qu'engendre la détention par l'Algérie de ressources en hydrocarbures qui font d'elle le 4ème exportateur mondial de gaz.
En apparence le bilan des 10 années au pouvoir de Bouteflika est satisfaisant, avec un taux de croissance du PIB de près de 4% sur la période.
Dans le même temps, le taux de chômage est passé de 30% de la population à 12%, la dette externe a été ramenée à moins de 4% du PIB, et de très importantes réserves de change ont été accumulées.
Mais cette décennie miraculeuse n'est, pour l'essentiel, liée qu'à une seule cause : la flambée des cours des hydro-carbures. Rien n'a fondamentalement changé : les cycles de l'économie algérienne sont, depuis l'indépendance, le reflet des cycles du cours des hydro-carbures.
Le pays connait ainsi une forte croissance aux début des années 1980 à la suite du second choc pétrolier, puis une stagnation à partir de 1986, en raison du contre choc. La croissance ne repart fortement qu'à partir de 1998, tout comme le cours du gaz. Ainsi, entre 1980 et 2008, le taux de croissance annuel n'est en moyenne que de 2,7 %, ce qui est peu pour un pays en rattrapage, avec une forte croissance démographique. Qui plus est, les fluctuations autour du trend de croissance de longue période sont importantes, à la mesure des variations des cours des hydrocarbures. Le Maroc, pays voisin et comparable par la taille et la population, presque dépourvu de ressources naturelles (à part du phosphate), a obtenu un taux de croissance supérieur d'un point (3,7% en moyenne par an), avec beaucoup moins de fluctuations autours du trend.
La performance devient catastrophique si on s'intéresse au PIB par habitant, en raison de la très forte croissance démographique.
Le PIB/habitant est à peine supérieur en 2008 à celui de 1980. Les cycles de la croissance apparaissent plus que jamais liés à ceux du cours du pétrole : en particulier, le contre choc pétrolier qui débute au milieu des années 1980, conjuguée à un fort croît démographique, a conduit à une baisse sensible du PIB par habitant. Ce n'est qu'avec l'augmentation des cours du pétrole, début 2000, que le PIB/hab augmente à nouveau.
L'échec algérien est encore plus net, si on le compare avec la performance du Maroc. Au Maroc, malgré une croissance démographique presque aussi forte, le PIB/habitant a augmenté de près de 2% par an entre 1980 et 2008, de manière très régulière. L'écart de richesse entre les deux pays, initialement très important, le PIB/hab en Algérie étant près de deux fois supérieur à celui du Maroc en 1980, a nettement diminué. Si les tendances se poursuivent, il est amené à disparaître.
Comment expliquer ces évolutions historiques ? Pourquoi l'Algérie fait moins bien que le Maroc, et pourquoi sa croissance est-elle le reflet des cours du pétrole ?
En raison d'une double rente autours de laquelle est structurée son économie, au profit des groupes dirigeants : rente du gaz et rente des importations qu'autorise le gaz.
Cette politique de redistribution a été complétée par une mise sous contrôle d'une grande partie de l'économie algérienne sous la forme de monopoles contrôlés par l'État, politique historiquement légitimée par la théorie marxiste du développement par substitution aux importations. Monopole dont le but n'a jamais été la recherche de l'efficacité économique, mais le contrôle des populations à travers l'octroi d'emplois et l'impossibilité de la constitution d'une élite concurrente issue du monde économique.
Le résultat de cette politique est l'absence d'une véritable économie productive. L'économie algérienne produit essentiellement des hydro-carbures, ou plutôt les extrait, les vend au reste du monde et achète avec le produit de cette vente ce qu'elle ne produit pas ou plus. Ainsi les hydrocarbures représentent près de 50% du PIB et la quasi totalité des exportations (96%), tandis que la production industrielle hors hydrocarbure est presque inexistante (5% du PIB). Par comparaison, près de 20% du PIB du Maroc provient de l'industrie manufacturière, qui ne cesse de se développer. La maladie hollandaise s'aggrave avec le temps : les hydrocarbures représentaient 30 % du PIB et l'industrie 11% à la fin des années 80. Par ailleurs, même si les cours du pétrole sont au plus haut, le taux de couverture des importations n'a pas cessé de baisser dans les années 2000, tandis que les importations augmentaient de 200%. Tout se passe comme si la flambée des cours du pétrole avait provoqué une accélération de la maladie hollandaise, poussant encore plus l'économie algérienne à ne rien produire, pour acheter à l'étranger.
Cette très forte hausse des importations a été en particulier marquée par un boom des importations de voiture. L'Algérie a aujourd'hui le premier parc automobile du Maghreb, sans qu'aucune voiture n'y soit fabriquée. Pierre Barrot ajoute même que Renault qui voulait implanter une usine dans la région après avoir envisagé l'Algérie a choisi le Maroc (Tanger).
On touche là à la deuxième rente, qui aggrave la première et rend difficile toute évolution véritable vers une économie productive : la rente des importations. Le secteur des importations est en effet la deuxième grande source de profit en Algérie, lorsque l'on fait partie des élites dirigeantes. Pour un membre de ces élites, deux grands flux monétaires sont en effet appropriables : ceux que génère la vente du gaz, ceux que génère l'achat à l'étranger de ce qui n'est pas produit sur place. Le second flux est, comme on l'a vu, la conséquence du premier. Mais il a ses déterminismes propres : il est à l'origine de tels profits que toutes les importations particulièrement rentables sont monopolisées par un petit nombre de personnes liées au régime. Le trabendo est le résultat de ce monopole. Le lobby des importateurs a tout intérêt à ce que la maladie hollandaise soit la plus forte possible : c'est elle qui fait sa richesse. Il use ainsi de ses moyens d'influence pour décourager le développement d'activité productive locale. C'est cette seconde rente qui forme toute la spécificité de la "maladie algérienne".
On voit ainsi que dans l'économie algérienne les mécanismes de la rente sont indissolublement économiques et politiques : la rente pétrolière fournit au pouvoir le moyen de sa légitimité. Il n'a donc aucun intérêt à sa disparition. La rente des importations est, d'autre part, impossible sans l'appui politique dont dispose le lobby des importateurs. Aucun acteur étatique ou lié à l'élite étatique n'a donc d'incitation à entreprendre les mesures qui pourraient mettre un terme à la maladie algérienne, en élevant la capacité productive de l'économie (investissement dans l'éducation, réforme du secteur bancaire incapable de financer l'économie, etc.)
Les cycles politiques en Algérie sont donc étroitement liés aux cycles économiques, eux mêmes dépendants des cours du pétrole. La stagnation du revenu par tête dans les années 1980 a conduit aux émeutes de 1988. De la même façon, la guerre civile a débuté sous fond de stagnation du revenu par habitant, et sa fin relative coïncide avec la très forte hausse de ce dernier. Il en est ainsi pour une raison simple : la légitimité du régime est directement proportionnée aux fluctuations du revenu national, puisque celui-ci transite pour une large part à travers les mécanismes politiques de redistribution des richesses. Le pouvoir politique a ainsi trouvé dans le boom pétrolier une ressource inespérée pour solder les années de guerre civile et favoriser la politique de réconciliation nationale (pardon des membres de la guérilla islamiste).
Mais le boom pétrolier est désormais fini, au moins temporairement. La répression des populations rétives sous prétexte de lutte contre le terrorisme islamiste n'a plus la même légitimité internationale. Le chemin de Bouteflika risque donc d'être fort étroit pour son troisième mandat : les élites militaires dont il est la façade ne savent en effet faire que deux choses : acheter le peuple à coup de pétro dinars et lui taper dessus si cela ne suffit pas.
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samedi 4 avril 2009
Le Monde n'est plus ce qu'il était
Il était une fois une fac de dangereux gauchistes. Des durs, des radicaux, tendance Black Block. Au moindre mouvement de grève, cette fac était toujours à la pointe des luttes. Elle était systématiquement bloquée, parfois pendant des semaines.
Mais l'histoire est pleine de ruse, surtout pour les révolutionnaires et les gauchistes : face à tant de chienlit, les familles prirent peur, et même leurs enfants. Plus personne ne souhaitait y étudier, de peur de ne pouvoir précisément le faire, à force de blocus et de grèves votées à main levée dans des amphis manipulés. Les effectifs baissèrent, vertigineusement. A la rentrée 2004, la fac comptait 16 670 étudiants. A la rentrée 2007, ils n'étaient plus que 14 490 -soit une baisse de 13% des effectifs en 3 ans, ou encore un taux de baisse moyen par an de 4,6%. Cela alors même que la principale discipline enseignée dans cette fac voyait ses effectifs nationaux augmenter de 3,3% sur la période.
Le nom de cette fac ? Paris II... la fac la plus conservatrice de France, où l'on enseigne cette matrice de tous les mouvements gauchistes qu'est le droit, et où afficher un peu trop ostensiblement son appartenance à l'extrême gauche pouvait avoir, il y a encore 10 ans, des conséquences de nature physique, suite à la réaction de quelques étudiants du GUD.
A l'ironie près, mon récit édifiant pourrait pourtant se lire dans Le Monde, où les journalistes, ou plutôt certains d'entre eux, semblent méconnaitre les points les plus élémentaires de toute enquête. Un chiffre ne veut rien dire, isolé. Il est impossible de tirer la moindre inférence de l'évolution du nombre d'élèves d'une fac, si l'on ne replace ce nombre dans son contexte, et mieux encore si l'on n'effectue une comparaison systématique, et si possible contrôlée, des variables causales possibles pour savoir de quelle(s) cause(s) il est l'effet.
On peut ainsi affirmer, à travers la comparaison au dessus, que les effectifs de Paris II connaissent une baisse d'une ampleur très grande relativement à ce qui leur est comparable : l'évolution des effectifs des autres facs de droits et de la filière juridique en général. Il y a donc un phénomène spécifique, à expliquer, et pas un artefact produit par une ignorance des règles élémentaires de la méthode. Même si l'hypothèse de la chienlit gauchiste semble être un facteur explicatif peu probable.
Et c'est pourtant à une analyse de ce genre d'artefact à laquelle se livre Catherine Collot, dans un article sur les conséquences de la mobilisation universitaire intitulé "Les facs mobilisées voient leur image se dégrader". En substance, l'article soutient que les facs les plus mobilisées sont victimes de leurs mobilisations, en particulier Montpellier III, Toulouse II et Rennes II, leur image se dégradant jusqu'à provoquer une baisse de leurs effectifs. Ce mécanisme est d'ailleurs illustré par la réaction d'une parent d'élève de la PEEP, fédération dépourvue de toute orientation et de tout agenda politique comme l'on sait au Monde, qui affirme qu'elle n'aurait jamais permis à ses enfants de rejoindre des lieux si mal famés et si peu propices à l'étude.
Ce modèle d'enquête journalistique est fondé sur un fait statistique incontestable... Les effectifs baissent, beaucoup. Selon l'article, Rennes II avait 22 000 étudiants en 2005 (l'année 2004-2005, je suppose) et 16 500 en 2009 (2008-2009, je suppose). Montpellier aurait perdu 7% de ses étudiants en moyenne à chacune des trois dernières rentrées. Toulouse II aurait perdu 5 000 étudiants depuis 6 ans.
Il est impossible de vérifier la véracité de ces chiffres : ni les facs, ni le ministère, ne donnent d'information pour l'année 2008-2009. Par contre, toutes les données sont disponibles pour les années antérieures, soit jusqu'à l'année 2007-2008, sur le site du Ministère de l'éducation nationale.
Et ces données ruinent toute la démonstration de Catherine Collot. Elles font en effet apparaître un fait essentiel que Catherine Collot semble ignorer : les universités françaises voient toutes leurs effectifs baisser. Seules les filières de droit et médecine sont épargnées par le phénomène. Il n'est pas le lieu ici d'analyser les causes de cette baisse. Constatons seulement qu'elle est particulièrement forte en "lettre, langue et sciences humaines", filière qui a vu ses effectifs baisser entre 2004-2005 et 2007-2008 de 13%.
Selon les données du ministère, entre 2004-2005 et 2007-2008, les effectifs de Montpellier III, comme ceux de Toulouse II, ont baissé de 16%. 16%, c'est à dire presque autant que la baisse des effectifs de la filière "lettre, langues, sciences humaines". Or, Montpellier III, tout comme Toulouse II, ne sont spécialisées que dans cette seule filière : l'essentiel de la baisse des effectifs de ces universités est donc explicable par la baisse globale, constatée partout en France, des effectifs de la filière que l'on y étudie. Catherine Collot a donc construit toute sa démonstration sur un pur artefact, fondé sur l'ignorance d'une règle méthodologique élémentaire : avant d'attribuer une cause à un phénomène, il faut s'assurer d'avoir épuisé toutes les autres causes possibles. Surtout lorsqu'il s'agit d'une cause aussi immédiatement évidente que l'évolution nationale des effectifs d'étudiants.
Et l'on est d'autant plus incité à le faire que l'on peut constater, d'une part, qu'une fac comme Paris II a vu ses effectifs baisser selon un rythme proche de celui de Montpellier III et Toulouse II, sans connaître de mobilisation, alors même qu'elle est spécialisée dans des filières dont les effectifs ont augmenté au niveau national (à part AES) et, d'autre part, que des facs presque autant mobilisées que Montpellier III ou Toulouse II, comme celle de Nantes, ont vu leurs effectifs stagner (-2% pour Nantes).
Seule Rennes II semble affectée par une baisse significativement plus forte que la moyenne nationale avec une chute de 19% des effectifs. Mais là encore, il est impossible d'attribuer comme cause à cette baisse les mobilisations qu'a connues la fac sans autre examen que les propos d'un président de fac ou d'un parent d'élève de droite : bien d'autres facteurs peuvent être à l'œuvre, dont certains plus structurants comme l'évolution du nombre de bacheliers dans l'académie de l'université. Avant d'avoir vérifié que ces facteurs ne sont pas explicatifs de la baisse particulière des effectifs de Rennes II, on ne peut rien affirmer. Du moins, si l'on veut donner un sens aux mots de "déontologie journalistique" dont on se gargarise pourtant au Monde.
Cet article est une superbe illustration de l'erreur commune des analyses de débutants et/ou des analyses politiquement orientées : l'utilisation de chiffres de manière illustrative à l'appui d'une thèse qui leur préexiste. On veut affirmer quelque chose, et l'on cherche le chiffre qui va bien. Et pour achever la démonstration, on ne cite que les réactions des acteurs (présidents de fac, membre d'une fédération de parents d'élève de droite, etc.) hostiles au mouvement en court, trop heureux d'abonder dans le sens de la journaliste qui les interroge. Au mépris des règles les plus élémentaires de toute méthode d'enquête et de la déontologie journalistique même.
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Mais l'histoire est pleine de ruse, surtout pour les révolutionnaires et les gauchistes : face à tant de chienlit, les familles prirent peur, et même leurs enfants. Plus personne ne souhaitait y étudier, de peur de ne pouvoir précisément le faire, à force de blocus et de grèves votées à main levée dans des amphis manipulés. Les effectifs baissèrent, vertigineusement. A la rentrée 2004, la fac comptait 16 670 étudiants. A la rentrée 2007, ils n'étaient plus que 14 490 -soit une baisse de 13% des effectifs en 3 ans, ou encore un taux de baisse moyen par an de 4,6%. Cela alors même que la principale discipline enseignée dans cette fac voyait ses effectifs nationaux augmenter de 3,3% sur la période.
Le nom de cette fac ? Paris II... la fac la plus conservatrice de France, où l'on enseigne cette matrice de tous les mouvements gauchistes qu'est le droit, et où afficher un peu trop ostensiblement son appartenance à l'extrême gauche pouvait avoir, il y a encore 10 ans, des conséquences de nature physique, suite à la réaction de quelques étudiants du GUD.
A l'ironie près, mon récit édifiant pourrait pourtant se lire dans Le Monde, où les journalistes, ou plutôt certains d'entre eux, semblent méconnaitre les points les plus élémentaires de toute enquête. Un chiffre ne veut rien dire, isolé. Il est impossible de tirer la moindre inférence de l'évolution du nombre d'élèves d'une fac, si l'on ne replace ce nombre dans son contexte, et mieux encore si l'on n'effectue une comparaison systématique, et si possible contrôlée, des variables causales possibles pour savoir de quelle(s) cause(s) il est l'effet.
On peut ainsi affirmer, à travers la comparaison au dessus, que les effectifs de Paris II connaissent une baisse d'une ampleur très grande relativement à ce qui leur est comparable : l'évolution des effectifs des autres facs de droits et de la filière juridique en général. Il y a donc un phénomène spécifique, à expliquer, et pas un artefact produit par une ignorance des règles élémentaires de la méthode. Même si l'hypothèse de la chienlit gauchiste semble être un facteur explicatif peu probable.
Et c'est pourtant à une analyse de ce genre d'artefact à laquelle se livre Catherine Collot, dans un article sur les conséquences de la mobilisation universitaire intitulé "Les facs mobilisées voient leur image se dégrader". En substance, l'article soutient que les facs les plus mobilisées sont victimes de leurs mobilisations, en particulier Montpellier III, Toulouse II et Rennes II, leur image se dégradant jusqu'à provoquer une baisse de leurs effectifs. Ce mécanisme est d'ailleurs illustré par la réaction d'une parent d'élève de la PEEP, fédération dépourvue de toute orientation et de tout agenda politique comme l'on sait au Monde, qui affirme qu'elle n'aurait jamais permis à ses enfants de rejoindre des lieux si mal famés et si peu propices à l'étude.
Ce modèle d'enquête journalistique est fondé sur un fait statistique incontestable... Les effectifs baissent, beaucoup. Selon l'article, Rennes II avait 22 000 étudiants en 2005 (l'année 2004-2005, je suppose) et 16 500 en 2009 (2008-2009, je suppose). Montpellier aurait perdu 7% de ses étudiants en moyenne à chacune des trois dernières rentrées. Toulouse II aurait perdu 5 000 étudiants depuis 6 ans.
Il est impossible de vérifier la véracité de ces chiffres : ni les facs, ni le ministère, ne donnent d'information pour l'année 2008-2009. Par contre, toutes les données sont disponibles pour les années antérieures, soit jusqu'à l'année 2007-2008, sur le site du Ministère de l'éducation nationale.
Et ces données ruinent toute la démonstration de Catherine Collot. Elles font en effet apparaître un fait essentiel que Catherine Collot semble ignorer : les universités françaises voient toutes leurs effectifs baisser. Seules les filières de droit et médecine sont épargnées par le phénomène. Il n'est pas le lieu ici d'analyser les causes de cette baisse. Constatons seulement qu'elle est particulièrement forte en "lettre, langue et sciences humaines", filière qui a vu ses effectifs baisser entre 2004-2005 et 2007-2008 de 13%.
Selon les données du ministère, entre 2004-2005 et 2007-2008, les effectifs de Montpellier III, comme ceux de Toulouse II, ont baissé de 16%. 16%, c'est à dire presque autant que la baisse des effectifs de la filière "lettre, langues, sciences humaines". Or, Montpellier III, tout comme Toulouse II, ne sont spécialisées que dans cette seule filière : l'essentiel de la baisse des effectifs de ces universités est donc explicable par la baisse globale, constatée partout en France, des effectifs de la filière que l'on y étudie. Catherine Collot a donc construit toute sa démonstration sur un pur artefact, fondé sur l'ignorance d'une règle méthodologique élémentaire : avant d'attribuer une cause à un phénomène, il faut s'assurer d'avoir épuisé toutes les autres causes possibles. Surtout lorsqu'il s'agit d'une cause aussi immédiatement évidente que l'évolution nationale des effectifs d'étudiants.
Et l'on est d'autant plus incité à le faire que l'on peut constater, d'une part, qu'une fac comme Paris II a vu ses effectifs baisser selon un rythme proche de celui de Montpellier III et Toulouse II, sans connaître de mobilisation, alors même qu'elle est spécialisée dans des filières dont les effectifs ont augmenté au niveau national (à part AES) et, d'autre part, que des facs presque autant mobilisées que Montpellier III ou Toulouse II, comme celle de Nantes, ont vu leurs effectifs stagner (-2% pour Nantes).
Seule Rennes II semble affectée par une baisse significativement plus forte que la moyenne nationale avec une chute de 19% des effectifs. Mais là encore, il est impossible d'attribuer comme cause à cette baisse les mobilisations qu'a connues la fac sans autre examen que les propos d'un président de fac ou d'un parent d'élève de droite : bien d'autres facteurs peuvent être à l'œuvre, dont certains plus structurants comme l'évolution du nombre de bacheliers dans l'académie de l'université. Avant d'avoir vérifié que ces facteurs ne sont pas explicatifs de la baisse particulière des effectifs de Rennes II, on ne peut rien affirmer. Du moins, si l'on veut donner un sens aux mots de "déontologie journalistique" dont on se gargarise pourtant au Monde.
Cet article est une superbe illustration de l'erreur commune des analyses de débutants et/ou des analyses politiquement orientées : l'utilisation de chiffres de manière illustrative à l'appui d'une thèse qui leur préexiste. On veut affirmer quelque chose, et l'on cherche le chiffre qui va bien. Et pour achever la démonstration, on ne cite que les réactions des acteurs (présidents de fac, membre d'une fédération de parents d'élève de droite, etc.) hostiles au mouvement en court, trop heureux d'abonder dans le sens de la journaliste qui les interroge. Au mépris des règles les plus élémentaires de toute méthode d'enquête et de la déontologie journalistique même.
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vendredi 3 avril 2009
Plus on cherche, plus on trouve (en France aussi) (III)
La production scientifique d'un pays est donc avant tout fonction des moyens qu'il y investit, que ce soit en hommes (nombre de chercheurs) ou en dépenses globales.
Cela n'interdit pas le fait que certains pays soient plus efficaces que d'autres. Mais ce ne sont pas ceux que l'on croient.
On peut mesurer l'efficacité de la production scientifique d'un pays à travers deux indicateurs élémentaire de rendement : le nombre d'articles publiés par chercheur ; le nombre d'article publiés par dollar dépensé.
On constate tout d'abord, pour les deux indicateurs, que les pays les plus efficaces ne sont pas, dans l'ensemble, les plus grands. La production scientifique semble, en effet, régie par une logique très proche de celle que les économistes postulent pour la production économique en général : les rendements décroissants. Plus la quantité d'un facteur augmente, plus la production s'accroit, mais de moins en moins relativement à la quantité de facteur. Cette régularité apparaît très nettement pour le ratio article/dépense, moins nettement pour le ratio article/chercheur.
Cela signifie tout d'abord que les pays les plus efficaces ne sont pas les grands leaders mondiaux dans le monde de la science, ceux qui publient le plus, mais au contraire des pays plus petits, en particulier la Suisse et les Pays-Bas.
Cela signifie, d'autre part, que les États-Unis, géant de la science par ses volumes de production, n'est pas un pays exceptionnellement efficace, bien qu'il apparaisse comme un modèle absolu de productivité scientifique.
On constate enfin que la France est, pour nos deux indicateurs, plus efficace que les États-Unis. Plus précisément, la France est, en matière d'efficacité, à sa place : 5e pays pour la production globale d'articles scientifiques, après les E-U, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni, elle a une efficacité plus grande que 3 d'entre eux : les E-U, le Japon et l'Allemagne. Parmi les pays leader en matière de production scientifique, seul le Royaume-Uni fait mieux. De manière plus générale, la France a des rendements légèrement supérieurs à la moyenne de l'OCDE. L'image du chercheur français qui ne fait pas grand chose, face au chercheur américain hyper-productif est bien cela : une image, sans aucun rapport avec la réalité. Le chercheur français a une productivité individuelle moyenne logique au regard des régularités que nous avons fait apparaître. Elle est, en tout cas, supérieure à celle d'un chercheur américain.
Une seule exception véritable, mais de taille, apparaît en fait : le Royaume-Uni. Celui-ci a une productivité scientifique très largement au-dessus de celle des pays qui lui sont comparables. On peut y voir, comme Michel Grosseti, la conséquence du très grand nombre de revues dirigées par des britanniques, tout autant que le produit d'une organisation institutionnelle spécifique.
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Cela n'interdit pas le fait que certains pays soient plus efficaces que d'autres. Mais ce ne sont pas ceux que l'on croient.
On peut mesurer l'efficacité de la production scientifique d'un pays à travers deux indicateurs élémentaire de rendement : le nombre d'articles publiés par chercheur ; le nombre d'article publiés par dollar dépensé.
On constate tout d'abord, pour les deux indicateurs, que les pays les plus efficaces ne sont pas, dans l'ensemble, les plus grands. La production scientifique semble, en effet, régie par une logique très proche de celle que les économistes postulent pour la production économique en général : les rendements décroissants. Plus la quantité d'un facteur augmente, plus la production s'accroit, mais de moins en moins relativement à la quantité de facteur. Cette régularité apparaît très nettement pour le ratio article/dépense, moins nettement pour le ratio article/chercheur.
Cela signifie tout d'abord que les pays les plus efficaces ne sont pas les grands leaders mondiaux dans le monde de la science, ceux qui publient le plus, mais au contraire des pays plus petits, en particulier la Suisse et les Pays-Bas.
Cela signifie, d'autre part, que les États-Unis, géant de la science par ses volumes de production, n'est pas un pays exceptionnellement efficace, bien qu'il apparaisse comme un modèle absolu de productivité scientifique.
On constate enfin que la France est, pour nos deux indicateurs, plus efficace que les États-Unis. Plus précisément, la France est, en matière d'efficacité, à sa place : 5e pays pour la production globale d'articles scientifiques, après les E-U, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni, elle a une efficacité plus grande que 3 d'entre eux : les E-U, le Japon et l'Allemagne. Parmi les pays leader en matière de production scientifique, seul le Royaume-Uni fait mieux. De manière plus générale, la France a des rendements légèrement supérieurs à la moyenne de l'OCDE. L'image du chercheur français qui ne fait pas grand chose, face au chercheur américain hyper-productif est bien cela : une image, sans aucun rapport avec la réalité. Le chercheur français a une productivité individuelle moyenne logique au regard des régularités que nous avons fait apparaître. Elle est, en tout cas, supérieure à celle d'un chercheur américain.
Une seule exception véritable, mais de taille, apparaît en fait : le Royaume-Uni. Celui-ci a une productivité scientifique très largement au-dessus de celle des pays qui lui sont comparables. On peut y voir, comme Michel Grosseti, la conséquence du très grand nombre de revues dirigées par des britanniques, tout autant que le produit d'une organisation institutionnelle spécifique.
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mercredi 1 avril 2009
Plus on cherche, plus on trouve (en France aussi) (II)
Commençons par la première régularité, formulée dans notre note précédent : plus on cherche, plus on trouve. Cette régularité est extrêmement robuste.
Elle s'oppose à une vision naïve et de sens commun de la science, comme une activité solitaire, où quelques génies produiraient à eux seuls l'essentiel du savoir, à partir de rien, si ce n'est leur génie et un petit labo, perché en haut de leur université.
Rien n'est plus faux. Nous vivons à l'époque de la Big Science, où une expérience en physique des particules a un coût qui peut se chiffrer en millions d'euros et où elle résulte du concours de centaines de chercheurs, qui tous apparaitront comme auteurs dans la publication rendant compte des résultats. La science aujourd'hui coûte cher, parfois très cher dans certains domaines.
Les génies, par ailleurs, se font rares : les découvertes résultent aujourd'hui de la collaboration de nombreux chercheurs, mis en réseaux. Le génie isolé n'existe plus. A la vérité, il n'a jamais existé.
Par conséquent, plus une nation consacrera de moyens à sa recherche, plus elle produira de résultats scientifiques.
Tout d'abord, plus elle emploiera de chercheurs, plus elle publiera d'articles.
L'échelle doublement logarithmique exagère visuellement la régularité : celle-ci est néanmoins extraordinairement forte.
D'autre part, plus une nation dépensera pour sa recherche, plus elle publiera d'articles scientifiques.
Là encore, la régularité est extraordinairement forte. Le volume d'output est très directement lié au volume d'input : la science n'est décidément pas le lieu du génie isolé, ou de la singularité de certaines nations. C'est au contraire une activité à l'économie confondante de simplicité : plus on accroit les facteurs de production, plus on produit.
C'est le premier constat : il n'y a aucun miracle : pour accroitre son volume de production scientifique, il faut d'abord accroitre ses dépenses. Ne pas partir de là, c'est faire de la démagogie et de l'anti-intellectualisme.
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Elle s'oppose à une vision naïve et de sens commun de la science, comme une activité solitaire, où quelques génies produiraient à eux seuls l'essentiel du savoir, à partir de rien, si ce n'est leur génie et un petit labo, perché en haut de leur université.
Rien n'est plus faux. Nous vivons à l'époque de la Big Science, où une expérience en physique des particules a un coût qui peut se chiffrer en millions d'euros et où elle résulte du concours de centaines de chercheurs, qui tous apparaitront comme auteurs dans la publication rendant compte des résultats. La science aujourd'hui coûte cher, parfois très cher dans certains domaines.
Les génies, par ailleurs, se font rares : les découvertes résultent aujourd'hui de la collaboration de nombreux chercheurs, mis en réseaux. Le génie isolé n'existe plus. A la vérité, il n'a jamais existé.
Par conséquent, plus une nation consacrera de moyens à sa recherche, plus elle produira de résultats scientifiques.
Tout d'abord, plus elle emploiera de chercheurs, plus elle publiera d'articles.
L'échelle doublement logarithmique exagère visuellement la régularité : celle-ci est néanmoins extraordinairement forte.
D'autre part, plus une nation dépensera pour sa recherche, plus elle publiera d'articles scientifiques.
Là encore, la régularité est extraordinairement forte. Le volume d'output est très directement lié au volume d'input : la science n'est décidément pas le lieu du génie isolé, ou de la singularité de certaines nations. C'est au contraire une activité à l'économie confondante de simplicité : plus on accroit les facteurs de production, plus on produit.
C'est le premier constat : il n'y a aucun miracle : pour accroitre son volume de production scientifique, il faut d'abord accroitre ses dépenses. Ne pas partir de là, c'est faire de la démagogie et de l'anti-intellectualisme.
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Plus on cherche, plus on trouve (en France aussi) (I)
Comme le rappelle Yves Gingras, les plus populaires des indicateurs de performances scientifiques n'ont aucune valeur scientifique, à commencer par le très populaire classement de Shangaï.
Il y a donc quelque chose de surréaliste à constater que le débat sur les réformes de l'enseignement supérieur s'est construit à partir d'un constat largement faussé par la "révélation" du classement de Shangaï, où les universités françaises ont une bien piètre position.
Ici, nous allons faire appel au plus simple des indicateurs de performances scientifiques, mais néanmoins rigoureux du point de vue des critères que rappelle Gingras : le rapport entre l'input que constitue les dépenses en R et D et l'output mesuré à travers la production d'articles scientifiques.
Tout d'abord, un rappel, qui s'impose tant cette évidence semble s'être perdue : la France est un des plus grands acteurs scientifiques du monde, qui occupe, comme le souligne Michel Grosseti, une place logique dans le concert des nations scientifiques, étant donné sa population et son niveau de développement. Cette place était la 5ème en 2003, mesuré à travers cet indicateur élémentaire d'output que constitue le nombre d'articles publiés.
Toutes les nations qui publient plus que la France sont également plus peuplées que la France, et ont un niveau de richesse par habitant supérieur (ou très légérement supérieur).
Cela fait, il faut dresser trois constats :
1. plus on cherche, plus on trouve.
2. dans l'ensemble, personne n'échappe à cette régularité, même si certain pays sont plus efficaces que d'autres.
3. Les Etats-Unis ne sont pas un pays efficace. Il n'y a pas d'exceptionalité en termes de productivité scientifique des Etats-Unis : ils sont un pays médiocre à cet égard. Leur domination sur le monde scientifique ne renvoit donc pas à leur productivité supérieure.
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Il y a donc quelque chose de surréaliste à constater que le débat sur les réformes de l'enseignement supérieur s'est construit à partir d'un constat largement faussé par la "révélation" du classement de Shangaï, où les universités françaises ont une bien piètre position.
Ici, nous allons faire appel au plus simple des indicateurs de performances scientifiques, mais néanmoins rigoureux du point de vue des critères que rappelle Gingras : le rapport entre l'input que constitue les dépenses en R et D et l'output mesuré à travers la production d'articles scientifiques.
Tout d'abord, un rappel, qui s'impose tant cette évidence semble s'être perdue : la France est un des plus grands acteurs scientifiques du monde, qui occupe, comme le souligne Michel Grosseti, une place logique dans le concert des nations scientifiques, étant donné sa population et son niveau de développement. Cette place était la 5ème en 2003, mesuré à travers cet indicateur élémentaire d'output que constitue le nombre d'articles publiés.
Toutes les nations qui publient plus que la France sont également plus peuplées que la France, et ont un niveau de richesse par habitant supérieur (ou très légérement supérieur).
Cela fait, il faut dresser trois constats :
1. plus on cherche, plus on trouve.
2. dans l'ensemble, personne n'échappe à cette régularité, même si certain pays sont plus efficaces que d'autres.
3. Les Etats-Unis ne sont pas un pays efficace. Il n'y a pas d'exceptionalité en termes de productivité scientifique des Etats-Unis : ils sont un pays médiocre à cet égard. Leur domination sur le monde scientifique ne renvoit donc pas à leur productivité supérieure.
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